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Stray │ ★ 8

L’une des forces du jeu vidéo est sa capacité à vous embarquer dans des expériences dont vous ne saviez pas que vous aviez envie, comme piloter des avions de ligne, égorger des nazis, faire de la rando dans des friches radioactives, du ping pong érotique dans un onsen à Tokyo, ou encore devenir livreur UPS et jeter son caca sur des fantômes de baleines.

À côté de ça, incarner un animal pourrait sembler trivial. Et pourtant, si pas mal de jeux ont des héros animaux anthropomorphes (hérisson supersonique, bandicoot punk torse poil, opossum en armure équipé d’un jetpack), on voit très peu de ‘vrais’ animaux, sortis d’Ovnis comme Okami, ou plus récemment l’excellent Untitled Goose Game qui nous permettait de voir le monde à travers les petits yeux perfides d’une oie mal attentionnée.

C’est donc avec une excitation certaine que j’attendais Stray depuis sa première bande-annonce, car la seule perspective de jouer un chat avait suffi à éveiller ma curiosité. Honnêtement, je m’attendais à ce que soit un jeu à gimmick qui n’aurait pas beaucoup plus pour lui que donner la possibilité de miauler et gratter des canapés. J’étais sérieusement loin du compte.

Visuellement, Stray est magnifique. En évitant le piège du monde ouvert, il s’offre des niveaux étroits et bourrés de détails. Il troque la quantité contre le charme d’environnements qui ont réellement une histoire à raconter. On parle parfois de narration environnementale et c’est exactement ce qu’on a ici, avec un univers qui se dévoile principalement à travers l’exploration et l’observation, et où chaque détail participe à l’immersion dans un monde fascinant et crédible.

C’est surtout la direction artistique qui arrache tout, avec un style qui évoque immanquablement Half-Life 2 pour ses architectures, ses couleurs, mais aussi le rendu sobre et réaliste des matières et des éclairages. Dans cette dystopie aux lumières tamisées et aux couleurs feutrées, on passe de souterrains sinistres à des quartiers lumineux et bardés de néons multicolores, et tous ces environnements débordent de personnalité.

Les musiques de Yann Van Der Cruyssen accompagnent parfaitement à ces ambiances changeantes et finissent de nous ancrer dans un autre monde, dans la peau de notre explorateur à fourrure.

Ce n’est certainement pas le gameplay ou le level design de Stray qui vous fera sauter au plafond, mais tout est propre et efficace. Le chat répond bien, les situations sont variées, et aucune des séquences d’action ou d’infiltration ne vous fera faire trop longtemps la même chose. De même, les puzzles sont simples et logiques, et juste assez malins pour mon pauvre cerveau atrophié.

On ne joue donc pas pour le gameplay, ni vraiment pour l’histoire ou les personnages, mais plutôt pour en découvrir plus sur l’univers et l’émerveillement de sa découverte. Chaque arrivée dans un hub social est magique : on explore les couches de ce monde délabré, son histoire, on lit entre les lignes en parlant à des NPC rigolos à travers des interactions variées.

Comme je l’espérais, incarner un chat offre son lot de petits bonheurs, à commencer par pouvoir miauler à tout moment et sur tout ce qui bouge. Vous pouvez aussi vous frotter contre les personnages, vous coucher dans des endroits douillets pour une petite sieste, renverser tous les objets des étagères et vous faire les griffes sur les tapis et les fauteuils. Il n’en faut pas plus pour créer une expérience singulière, et rétrospectivement, il me semble absurde qu’aucun autre jeu n’ait réussi ça avant Stray.

Stray est l’exemple parfait d’une petite production jonchée de contraintes techniques, et qui a su tirer le meilleur parti de ses limitations.

  • Les niveaux alternent entre séquences linéaires et de petits environnements ouverts, plutôt que nous balancer un énième monde ouvert, et compense son étroitesse par une incroyable densité visuelle et narrative.
  • Les déplacements ont été contraints à des interactions placées à la main, plutôt que permettre au joueur de sauter partout, et cela ne rend que le contrôle du chat plus crédible.
  • Plutôt qu’exploser le budget avec des personnages humains, tous les NPC de Stray sont des robots aux animations rigides, et dont les expressions sont véhiculées par des smileys : une idée toute simple qui fonctionne à 200% et les rend d’autant plus attachants.

Ma plus grande surprise est que le jeu parvient à fréquemment se renouveler et ne jamais sentir le réchauffé. Après quelques courses poursuites, je m’imaginais avoir compris ce qu’il avait à offrir et comment il articulerait son aventure. Dix minutes plus tard, il abandonne complètement cette idée et change de cap avec un naturel déconcertant.

Son format court est idéal, lui permet de ne jamais se répéter et d’être juste assez long pour ce qu’il a à raconter. Car si on termine Stray en 6-8h, le jeu est si dense qu’il ne semble pas court pour autant, et j’en suis sorti tout à fait satisfait.

8

8/10

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