You are currently viewing Elden Ring │ ❤ 10

Elden Ring │ ❤ 10

À l’heure où j’écris ces lignes, Elden Ring est sorti il y a un peu plus d’un an. Il a fait parler de lui aux coins du web jusqu’à Télérama, est passé sur France 2 dans l’émission de Drucker, a été offert au président Biden par l’ambassade japonaise, et la majestueuse Malenia a été ajoutée au plafond de la chapelle Sixtine.

Bien sûr, on avait tous vu la hype prendre des proportions bibliques, ce qui n’est pas toujours bon signe. Pourtant, rien ne laissait présager qu’un studio de niche encore à moitié confidentiel comme FromSoftware, était capable de vendre 20 millions d’unités et de transformer l’industrie dans son sillage, ne serait-ce que par la profusion de clones que la série des Souls a déjà inspirée.

Pourquoi rabâcher tout ça ? Parce que si vous êtes fan du studio ou juste amateur de “Soulborne”, vous avez déjà joué à Elden Ring. Si vous étiez intrigué par FromSoftware mais n’aviez pas encore sauté le pas, vous avez bien sûr joué à Elden Ring.
Et si vous viviez dans une grotte et en êtes sorti récemment pour acheter une PS5 ou une GeForce 3070, vous avez évidemment joué à Elden Ring, car le jeu a été sur toutes les lèvres, et ses cohortes de fans n’en peuvent plus d’attendre le DLC.

En fin de compte, si vous n’avez pas encore joué à Elden Ring, la seule explication est que vous avez détesté un Soulborne et n’avez jamais pardonné à FromSoftware de vous avoir à ce point molesté. Je sais ce que c’est, je suis passé par là, et je vais donc dédier cette critique à vous convaincre de laisser une chance à Elden Ring, même si vous avez détesté Dark Souls 3, Bloodborne et Sekiro.

Hidetaka Miyazaki, directeur créatif de la licence, est le premier à le reconnaitre : FromSoftware fait le même jeu depuis 13 ans. Ils l’ont décliné à plusieurs sauces, en ont ajusté le parfum et la consistance, mais les ingrédients n’ont pas beaucoup changé. On y retrouve toujours une amertume acidulée, des épices pas toujours bien dosées et plein d’énormes grumeaux dégueulasses qui vous collent aux dents, mais qu’on essaye d’avaler sans ciller pour ne pas passer pour un rabat-joie.

Avec Elden Ring, FromSoftware s’est enfin occupé de ces grumeaux avec un tel succès que je n’aurais jamais cru qu’on pouvait faire un si bon jeu sur des bases aussi branlantes. Sans rien changer aux fondamentaux, il a suffi de quelques ajustements pour sublimer la recette des Souls au point de la rendre méconnaissable.

Le passage en open world est le changement le plus évident, mais vraiment pas le plus significatif à mon sens. Dark Souls 3 était déjà une sorte de monde ouvert aux zones thématiquement distinctes, mais interconnectées. Elden Ring semble peut-être révolutionner cette structure, mais sous le capot, ce sont toujours les sous-terrains et les donjons cloisonnés qui rythment l’essentiel de l’action.

Commençons par regarder tout ce qui a été amélioré depuis DS3 et Bloodborne :

  • Il y a des check points avant les boss, ou juste à côté de leur salle, si bien qu’il n’est plus nécessaire de faire du jogging pendant plusieurs minutes chaque fois qu’un boss vous met une tannée. C’est LE changement que j’appelais de mes vœux depuis mon premier Souls et je suis heureux de confirmer que ça change tout.

    Un boss dur n’est plus une corvée dont on espère venir rapidement à bout pour ne plus se retaper la route à chaque fois. C’est une fête, un apprentissage âpre, mais gratifiant où on gagne lentement du terrain en apprenant ses attaques et ses points faibles, jusqu’à l’inévitable triomphe.

  • Si malgré tout, vous en chiez sur un boss et qu’il commence à menacer votre santé mentale (ça arrivera, souvent), retournez à la table ronde (l’équivalent du Firelink Shrine ou du Hunter’s Dream) et Fia vous fera un câlin. Quel que soit le prix à payer, ce personnage distributeur de câlins est la meilleure nouveauté du jeu, et rien ne me fera changer d’avis.
  • La structure plus ouverte permet de ne jamais métaphoriquement se heurter à un mur. Si vous bloquez sur un boss, vous pouvez simplement passer à autre chose, changer d’activité, contourner. Rien n’empêche d’y retourner plus tard, ou même jamais puisque la grande majorité des boss sont optionnels. Libre à vous de vous acharner si c’est ce qui vous branche, mais ce n’est plus la seule manière de jouer au jeu.

  • Et en parlant d’accessibilité, au grand dam des plus élitistes, le jeu en est désormais généreusement truffé. C’est d’autant plus étonnant que la difficulté frontale et intransigeante des Souls faisait partie de son ADN depuis les débuts en 2009.
    Le plus évident est l’invocation d’esprits pour vous assister pendant les combats, au point parfois d’en rendre la difficulté triviale. Encore une fois, certains décident de jouer sans, mais je ne me suis certainement pas gêné pour ma première partie.
  • La monture permet non seulement d’explorer rapidement l’immensité du territoire, mais surtout d’esquiver facilement les ennemis. C’est particulièrement appréciable quand on retourne dans des zones qu’on a déjà écumées et qu’on n’a pas envie de tout se retaper.
  • Le jeu offre une grande variété de builds qui m’ont semblé plus viables et accessibles que dans DS3 où certains styles dominaient (Sellsword Twinblades). Dans Elden Ring, que vous soyez mage, archer, adepte des fouets ou des fléaux d’arme, il y a moyen d’être efficace sans attendre le end-game et je ne me suis pas senti la pression de choisir LE bon build dès le début, d’autant plus qu’il est assez facile de respec’.
  • Les combats ont été enrichis de diverses manières, avec des attaques sautées, une contre-attaque après blocages et une gestion plus fluide de l’ambidextrie. Le gameplay au bouclier dont je suis friand est désormais plus réactif et efficace.

  • La possibilité de se faufiler sans se faire voir permet encore une fois de ne pas se retaper tous les combats quand on est mort et qu’on retourne discrètement vers son cadavre.
  • Elden Ring est bourré de surprises et de moments “Wow”. Bien plus encore que dans les autres jeux du studio, on y sent un vrai désir d’en mettre plein les yeux en permanence et je m’en voudrais de spoilers les meilleurs, mais ce sont des moments de sidération comme j’en ai rarement connu dans ma vie de joueur.
  • Plus subjectif : le lore m’a paru bien plus invitant que dans DS3 ou Bloodborne. Je ne dirais pas qu’il est supérieur, mais le jeu m’a bien donné bien plus envie de creuser pour en comprendre les tenants et aboutissants. Cela vient du fait que vous rencontrerez davantage de personnages capables de révéler des bribes d’intrigue, et que la plupart des boss sont doués de raison, liés par le sang, et profondément intrigants.

Parlons maintenant de ce qui n’a PAS été amélioré :

  • Elden Ring reste résolument un jeu à Wiki. Attendez-vous à passer un paquet de temps sur Fextralife ou Fandom et à engloutir des vidéos pour en comprendre les systèmes de jeux et les mécaniques les plus abstruses. Comme d’habitude, rien n’est expliqué, et si les joueurs de Dark Souls seront en terrain connu, les nouveaux venus n’ont aucune chance de s’y retrouver sans ressources extérieures au jeu.
  • J’ai parlé du lore et de ses qualités. L’histoire est un peu plus exposée au joueur, et moins caché dans des descriptions d’objets qu’elle ne l’était dans DS3. Cela dit, dans la tradition de FromSoft, j’ai atteint la fin du jeu en comprenant moins d’1% de son histoire, et je ne savais même pas qui je venais de tuer.
    Je comprends bien que ça fait partie de leur marque de fabrique, mais je suis convaincu qu’il serait possible d’en dévoiler un peu plus sans pour autant compromettre l’aura de mystère et l’émulation de la communauté.
  • Le jeu offre une variété d’armes, de sorts et d’invocation absolument démente avec notamment plus de 300 armes dont beaucoup proposent des styles et mouvements uniques. Et à côté de ça, les mécaniques de jeu vous verrouillent très tôt avec une seule arme qu’il sera un peu compliqué de remplacer : la faute aux 25 niveaux d’upgrades qui nécessitent des ressources en quantité limitées (du moins au début).
    Résultat : beaucoup de joueurs passent 100h avec le même hachoir patiemment monté au maximum, en ignorant les dizaines d’armes trouvées en chemin. Personnellement, je n’ai exploré l’arsenal qu’à partir du New Game+, après avoir terminé le jeu.

On ne change pas radicalement une recette qui marche. Si FromSoft a pris d’énormes risques en déviant autant de ce qui avait fait leur succès, Elden Ring repose néanmoins sur le socle de la série des Souls. On y retrouve ainsi toutes les qualités désormais bien connues de la série, notamment :

  • Une direction artistique qui tabasse, toute en démesure gothique. Ici, elle se diversifie beaucoup grâce à ses larges extérieurs et une incroyable variété dans les environnements.
  • Un gameplay précis et technique, plus lent, lourd et délibéré que beaucoup de jeux d’action. La maniabilité est épaulée par des animations de grande qualité et permet de ne jamais rager sur les contrôles, mais plutôt sur nos propres lacunes.
  • Un bestiaire colossal, avec 150 types d’ennemis différents. Et bien sûr, on a une grosse vingtaine de boss titanesques et mémorables, soutenus par une mise en scène et une bande son épiques au possible.
  • Pas de dialogues incessants ou de NPC qui vous gonflent par radio ou autre. C’est assez rare pour être signalé, surtout quand on sort de jeux extrêmement bavards comme God of War, Tomb Raider, Forespoken ou… à peu près n’importe quel AAA de ces dernières années.
  • Pas le plus facile à décrire, mais je voudrais parler de ce sentiment de mélancolie et de solitude que l’on ressent en arpentant les paysages désolés d’un monde en pleine déliquescence. C’est une sensation que j’avais appréciée dans Stalker, il y a de nombreuses années, et que j’ai rarement retrouvée.

Elden Ring est un jeu qui récompense toujours votre curiosité et votre sens de l’observation. Si vous trouvez un recoin difficilement accessible qui semble cacher quelque chose, il y a de très fortes chances que vous y trouverez un trésor ou un ennemi rare. De même, si vous vous écartez du chemin le plus évident pour fouiller les méandres d’une grotte, vous reviendrez rarement bredouille.

FromSoftware aime les secrets, au point d’avoir un objet secret qui, utilisé au bon endroit, donne accès à une région secrète. Dans cette région, un rituel obscure donne accès à une nouvelle double zone secrète aux dimensions colossales. Bien planqué au bout de celle-ci, vous trouverez le boss le plus difficile du jeu, bien sûr tout à fait optionnel.

Il faut quand même avoir une belle confiance en sa communauté pour cacher autant d’amour et de travail sous une telle couche de secrets, en comptant sur le fait que les joueurs le découvriront. N’importe quel autre studio aurait mis ça bien en évidence sur le chemin critique, avec 3 NPC pour vous montrer le chemin, et des points lumineux sur votre carte saturée d’icônes.

Vous n’aimez pas les Soulborne ? Elden Ring en corrige tous les défauts et transcende la formule en conservant ses forces et en sublimant ses qualités. C’est un jeu obsédant et fascinant, d’une telle générosité qu’il est difficile de lâcher avant d’en avoir vu le bout, même s’il semble impossible d’en dévoiler tous les secrets.

C’est une œuvre définitive qu’il sera très difficile d’égaler, et pose un nouveau jalon dans le monde de l’action-RPG, comme l’avaient fait à leurs manières The Witcher 3 et Breath of the Wild.

10

10/10

Ecrire un commentaire