Mirror’s Edge est une anomalie issue de la courte période où EA avait décidé de cesser de se reposer sur ses franchises vache-à-lait et de prendre des risques pour faire naître de nouvelles licences innovantes. Et à ce titre, Dice n’est pas foutu de leur gueule car on fait difficilement plus innovant que Mirror’s Edge, à tous les niveaux :
- Une héroïne intrépide et indépendante bâtie comme une sportive et portant des tenues adaptées à son activité (Impensable en 2008)
- Un gameplay original basé sur le momentum et la vitesse, mais surtout un jeu d’action presque sans aucun combat (“presque” est le mot qui fâche, mais on ne va pas faire la fine bouche)
- Un univers dystopique à l’esthétique léchée, aux lignes épurées et aux couleurs tranchées.
Dice a sorti 9 Battlefields avant Mirror’s Edge, et 7 de plus avant de faire Catalyst. J’ai peine à imaginer l’excitation des équipes à l’idée de faire quelque chose de différent, et on sent clairement qu’ils ont tout donné.
C’est l’un des premiers jeux à tirer pleinement parti du Full body awareness : votre avatar a un corps que vous pouvez voir et sentir, plutôt qu’être une paire de bras en apesanteur. C’est un choix de design qui avait été popularisé par FEAR en 2005 et auquel Arkane Studio a donné ses lettres de noblesse un an plus tard sur Dark Messiah (et toutes leurs productions suivantes).
Les sensations de course sont grisantes et parfaitement retranscrites, grâce à une palette de mouvements qui privilégie l’accélération et le momentum pour vous encourager à toujours rester en mouvement. Et comme les contrôles sont précis et exigeants, c’est si satisfaisant que j’avais encore éperdument envie de courir après les 6 petites heures de son histoire.
Son format resserré joue cependant en sa faveur. Mirror’s Edge n’essaye pas de délayer la sauce avec des allers-retours inutiles dans un monde ouvert, des centaines de merdes à collecter ou des missions secondaires : il va droit au but, avec une aventure linéaire sans remplissage et des chapitres aussi variés que rythmés.
C’est un design qui s’est un peu perdu ces dernières années, et sa suite, Catalyst, est victime de tous les péchés du gaming moderne, ce qui permet de facilement mesurer l’ampleur de la dégringolade.
Le jeu n’est pas dénué de défauts : certaines séquences vous mettent une arme dans les mains, et ça devient complètement nul, mais ça ne dure jamais longtemps. Des passages beaucoup trop difficiles vous feront aussi mourir en boucle avant de trouver la technique, et ça a tendance à méchamment casser le rythme. L’histoire est oubliable et aucun personnage ne sort du lot.
Rien de tout ça ne suffit à gâcher l’expérience, car Mirror’s Edge en est clairement une : un OVNI ludique remarquablement exécuté, à l’ambiance unique et au gameplay singulier. Ajoutez à cela la très bonne bande son de Solar Fields et le parti pris radical de sa direction artistique qui permet au jeu d’avoir très bien vieilli, pas loin de 15 ans plus tard.