Après avoir fait mes armes sur DS3, Bloodborne et Elden Ring, il était temps que j’aborde enfin Sekiro, le joyau de la couronne FromSoft, mais aussi leur titre le plus atypique.
Certains fans du studio n’ont pas réussi à rentrer dedans, pour une raison ou une autre : trop dur, trop punitif, la roulade n’est plus la solution à tous les problèmes, et j’en passe. Beaucoup le considèrent comme le jeu le plus difficile de FromSoft, mais aussi comme son chef-d’œuvre. Grâce à un design épuré et un style de jeu plus dirigiste sans classes multiples, Sekiro peut ainsi raffiner ses systèmes et les affuter à la perfection, du moins sur le papier.
On va commencer par tout ce qui fonctionne :
■ Sekiro est beau et parfaitement animé. Sa direction artistique, sobre, élégante et pleine de retenue, est une rupture brutale avec la série des Souls et sa folie des grandeurs, ou les délires gothiques Lovecrafto-Victoriens de Bloodborne.
■ Le jeu est un plaisir à manier, avec des déplacements aériens tout en souplesse, des double sauts, dash et un grappin qui permet enfin d’exploiter la verticale des maps, d’échapper aux ennemis ou de les prendre par surprise. Encore une fois, c’est un changement de paradigme radical quand on le compare à la lourdeur des Souls et ses personnages aux semelles de plomb.
■ Le level design est toujours excellent et permet d’approcher les situations de diverses manières. En plus des raccourcis à débloquer si chers à FromSoft, on a désormais des chemins propices au combat ou à l’infiltration qui devient une option viable et gratifiante.
■ Pour une fois dans un jeu de ce studio, je comprends globalement ce qui se passe. La narration et les dialogues ne sont pas complètement abscons, vous pouvez épier des conversations et c’est assez chouette pour poser l’ambiance. Il y a cependant moyen de creuser davantage pour les plus investis.
Autant dire que le premier contact séduit, et ce, malgré un flagrant manque d’accessibilité. Comme dans DS3, le jeu vous balance dans le grand bassin après une ébauche de tutoriel et ça n’ira pas en s’arrangeant.
Trop de fonctionnalités sont introduites bien trop vite, sans qu’on ait le temps de les faire décanter. J’ai à peine le temps de comprendre une nouvelle mécanique qu’on m’en a déjà foutu deux de plus. Je débloque la contre-attaque des lances ? Un mini-boss lancier débarque dans les minutes qui suivent pour me foutre une grosse misère.
Le principe est bon : tester votre acquisition d’une nouvelle connaissance par un challenge taillé sur mesure, sauf que FromSoft oblige, il faut que ça passe par d’énormes pics de difficulté.
Et après avoir fini 3 de leurs jeux dans les 4 derniers mois, j’étais absolument disposé à mourir, à mourir beaucoup, à crever en boucle sur les boss comme une vieille loque en faisant du jogging pour rejoindre la porte devant laquelle on a oublié de mettre un checkpoint. J’avais tacitement signé pour tout ça.
Seulement, Sekiro monte encore la difficulté d’une douzaine de crans et ajoute des mécaniques débiles pour vous frotter le nez dans le caca, avec tout un arsenal SM qui contribue à une sensation de “plus tu perds, plus tu perds” :
- La moitié de l’argent perdu à chaque mort
- Perte d’XP sur la compétence en cours
- Les NPC qui se tombent malades et se mettent à tousser si vous mourrez trop souvent
DS3 avait le même défaut de design. Quand j’y ai joué la première fois, je mourrais sans cesse, donc mon perso ne pouvait jamais passer de niveau et j’ai passé le jeu à roter du sang. Mon second run, je me suis presque fait chier, car comme je ne mourrais pas, j’étais trop haut niveau pour les ennemis que je rencontrais et je roulais sur les boss.
Une fois de plus, FromSoftware fait exactement l’inverse de ce que proposait Celeste. Les deux jeux partagent un gameplay précis et incroyablement bien calibré, avec un level design savamment étudié. Mais quand Celeste vous poussait de l’avant avec sa bienveillance et ses checkpoints généreux, Sekiro vous punit doublement quand vous êtes déjà en train d’en chier. Il vous garde la tête sous l’eau quand vous êtes en train de vous noyer et vous enfonce dans une ambiance oppressante qui a fini par me dissuader de relancer le jeu.
Connaissant ma trajectoire vis à vis du studio, il y a toutefois de fortes chances que je le réinstalle dans un an et que je crie au génie. Dans l’immédiat, je me suis forcé quelques jours, mais à quoi bon ?