Coteries of New York est de loin le plus beau visual novel auquel j’ai joué, et aussi le plus interactif. Il me réconcilie enfin avec un genre dont 99% des représentants émulent un style manga moche et laissent rarement le loisir de jouer son personnage.
Sur le papier, j’aime beaucoup le concept des visual novels : une histoire racontée à peu de frais, en se concentrant purement sur l’aspect narratif en dégageant purement et simplement les mécaniques ludiques qui dans les jeux d’aventure traditionnels viennent trop souvent se mettre en travers d’une bonne histoire.
Depuis quelque temps, je cherchais des VN qui me permettrait une expérience similaire aux jeux Telltale : prendre des décisions fréquentes, choisir mes réponses dans les dialogues, et globalement avoir la sensation d’incarner un personnage. C’est apparemment une chose assez rare dans un genre qui favorise des histoires linéaires et peu interactives. Le joueur fait très peu de choix et ceux-ci, à des moments charnière de l’histoire, vont déterminer à quelle partie de l’histoire il a accès ou quelle fin il débloque.
Vampire: The Masquerade – Coteries of New York est exactement ce que je cherchais et s’il n’est pas dénué de défauts, il aura eu le mérite de me réconcilier avec le genre et de me donner envie d’explorer davantage la production occidentale sans waifu à gros nibards ni danseur de KPop.
Visuellement, le jeu est une merveille. La plupart des personnages sont magnifiquement dessinés, avec un rendu peint du plus bel effet, et les environnements nocturnes débordent de personnalité. Même la ruelle la plus triviale a de quoi vous éblouir par ses détails et ses effets de lumières et le plus fou, c’est que tout ça est légèrement animé.
La lumière des phares balaye les fenêtres et projette l’ombre des stores, le vent caresse le feuillage des arbres du parc, une ombre inquiétante projetée sur le mur d’une allée crasseuse. Et ce n’est pas tout car les personnages sont aussi illuminés par ces lumières mouvantes. En voyant les captures d’écran, j’étais loin de me douter de la qualité du rendu.
La musique fait le taf, sans être spécialement remarquable, et les boucles sont un peu courtes mais il parait que je lis très lentement, car j’ai terminé le jeu en 10 heures alors qu’il est censé durer 5 ou 6.
L’interface se fait oublier mais je l’ai trouvée curieusement encombrante au début, avec d’énooormes boutons pour accéder aux codex et à l’historique.
VtM:CoNY exploite parfaitement la licence du jeu de rôle sur table et si vous êtes sensible à cet univers nocturne, ses personnages excentriques et ses constantes machinations politiques, vous allez en avoir pour votre argent.
Le jeu brille particulièrement par sa galerie de personnages hauts en couleur, Malkavians en tête, et chaque nouvelle rencontre est un vrai plaisir, avec des dialogues croustillants, très bien écrits, et dont le rythme m’a paru très maîtrisé. Mascarade oblige, personne n’est réellement ce qu’il a l’air d’être, tout le monde vous ment et essayera de vous utiliser, et quand vous pensez avoir compris le fin mot, vous êtes sûrement encore à quelques mètres de la plaque.
Je m’attendais d’ailleurs à ce que le jeu soit principalement composé de dialogues mais il y a pas mal de descriptions, aussi élégamment écrites, et aussi pas mal d’action, décrite avec efficacité. Une fois de plus, aucun système de jeu ne viendra gâcher la fête et tout se règle par vos choix, sans aucun jet de dés.
Voulez-vous protéger votre allié au risque de vous mettre en danger ? Souhaitez-vous prendre le risque de ne pas utiliser le pouvoir de votre sang et voir la situation déraper, sachant que les occasions de vous nourrir sont rares et qu’il serait maladroit d’égorger un passant si la bête prend le dessus ?
Structurellement, c’est là que ça se gâte un peu. Le jeu a pris le parti de ne pas être linéaire et vous laissera choisir le menu de vos nuits, tandis que des éléments de la trame principale viendront peu à peu s’intercaler entre vos escapades noctambules. Je n’ai rien contre l’idée mais la réalisation laisse à désirer.
Chaque personnage représente une petite histoire indépendante en plusieurs chapitres. Chaque fois que vous déciderez de rendre visite à un personnage, vous avancerez d’une étape dans son histoire, jusqu’à son dénouement au bout de 4 ou 5 visites. Certaines scènes sont très courtes et n’occupent qu’une partie de la nuit tandis que d’autres vous retiendront jusqu’à l’aube.
Individuellement, ces petites histoires sont très réussies. Sans avoir encore essayé de les rejouer, elles m’ont paru tout à fait linéaires mais votre personnage a souvent son mot à dire et vous pouvez décider de la manière dont vous gérez les situations, même si tout ça se terminera globalement de la même manière. Au fil de ces aventures, j’ai peu à peu construit mon personnage comme je le souhaitais et au fil de ces options de dialogues et décisions mineures, j’avais une assez bonne idée de qui elle était et le jeu m’a permis de réagir comme je le souhaitais à diverses situations.
Je m’attendais à ce que ça aille quelque part, à ce que ces histoires soient liées ou à ce que la trame principale s’y révèle peu à peu mais ce n’est pas le cas. Vos décisions ont bien un impact local mineur à l’échelle de l’arc du personnage mais ça s’arrête là, et surtout, une fois que vous avez fini l’arc d’un personnage, il disparaîtra du jeu quasi pour de bon.
[Attention, ici, ça spoile un peu mais je reste très vague]
Après un nombre arbitraire de nuit, la “quête principale” a fini par me rattraper et je n’ai pas pu finir mes affaires en cours. Tout s’est accéléré un grand coup jusqu’à la grosse révélation finale. Avec tous les films et les jeux que je m’envoie, j’en ai vu un paquet, de pétards mouillés, mais celui-là aura quand même réussi à m’impressionner.
Je ne demande pas au jeu de s’adapter à tous mes choix et créer des douzaines d’embranchements narratifs pour préparer un final taillé sur mesure, à la manière de The Witcher 2 ou Alpha Protocol. Je ne demandais même pas à l’histoire de s’adapter à mes choix, car s’il y a bien un truc pratique pour les développeurs avec Vampire la Mascarade, c’est qu’on y joue souvent un nouveau Vampire tout en bas de la chaîne alimentaire qui n’a que peu d’impact sur sa propre destinée et dont les décisions sont souvent futiles au regard des marionnettistes multi-millénaires qui tirent les ficelles.
Mais me sortir une révélation finale mettant en scène 3 personnages que j’avais vu 1 fois, 6 heures plus tôt, et balancer les crédits dans la foulée, c’est un peu abusé. Rien dans les évènements qui précèdent ne prépare la fin d’une manière ou d’une autre.
Pas d’instant “Oh shit” à la Fight Club où on réalise que merde, on aurait dû s’en douter, et pas non plus d’instant “Wow” où ces personnages qu’on connait bien révèlent leur vraie nature et– non, là j’en avais vraiment pas grand chose à foutre, et c’est vraiment dommage parce que le reste du jeu avait fait un super boulot pour me faire apprécier plein d’autres personnages et m’impliquer dans leurs histoires.
VtM:CoNY est un superbe visual novel qui brille par la qualité de son écriture, ses personnages et s’approprie parfaitement l’univers du jeu de rôle éponyme par son ambiance mystérieuse et crépusculaire.
Si vous savez l’apprécier pour ce qu’il a à offrir, à savoir une petite collection d’histoires indépendantes, assez courtes et sans réelle connexion à un grand tout, il y a de bonnes chances que vous passiez un super moment. Si vous espérez une grande saga épique dans l’univers de la Mascarade comme seul Bloodlines a encore su nous l’offrir, vous resterez sur votre soif.