Si Late Shift était un film, ce serait un téléfilm correct, sans plus, avec une histoire sympa, pleine de rebondissements et de faux semblants. C’est très joli et plutôt bien filmé, correctement joué et bien rythmé. L’interactivité avait le potentiel de l’élever à un tout autre niveau et d’en faire une expérience ludique mémorable.
Un potentiel gâché par un choix de design absurde qui fait passer l’œuvre de très bon film interactif à mauvais jeu que j’aurais bien du mal à recommander.
Matt est un gardien de parking et rumine souvent sur les conséquences imprévisibles de ses choix. Une soirée comme les autres va dégénérer et l’impliquer dans une série d’aventures criminelles plus ou moins délibérées où chaque décision peut faire la différence entre la vie et la mort.
Dans sa structure, le jeu est classique au possible : après quelques scènes de film, on vous propose un choix généralement binaire, en temps limité. Chaque réponse vous envoie dans un embranchement scénaristique et les scènes s’enchaînent sans interrompre le fil des vidéos. C’est tout simple, élégant et ça fonctionne très bien.
Certains choix créent de brèves bifurcations sans conséquences, tandis que d’autres vous envoie dans des arborescences complètement différentes, ou réorganisent l’enchaînement chronologique des évènements de la nuit. Le tout reste quand même relativement sur rails, mais le jeu maintient bien l’illusion, et c’est tout ce qu’on lui demande.
C’est tout con, mais j’apprécie que le jeu ne dévoile pas ses cartes, car vous ne savez pas à l’avance si un choix est important ou bénin, on ne vous dit pas “Machin s’en souviendra” et c’est naturellement, à mesure que se déroule l’intrigue, que vous mesurerez les conséquences de vos actions.
Et puis 5 minutes avant la fin de l’histoire, j’ai réagi trop tard à un choix très rapide. Le temps de lire les options, on m’avait collé deux balles dans le buffet et Matt s’est étranglé dans son sang sans jamais connaitre le fin mot de l’histoire. Je m’attendais à ce qu’on me renvoie au début du chapitre. Au lieu de ça, crédits. De longs crédits qu’on ne peut pas zapper.
La fin était nulle. Je n’ai rien contre un dénouement tragique, au contraire, mais il faut que ça serve l’intrigue. Ici, rien n’est résolu et aucun film normalement constitué ne se permettrait de finir ainsi en queue de poisson.
À la fin de ces crédits, le jeu me montre un écran de statistiques qui m’indique que j’ai vu “12/14 chapitres” et que j’ai pris tel nombre de décisions. Ok, donc le jeu, c’est de recommencer en essayant de survivre jusqu’à la vraie fin. Ce n’est pas ce que je préfère, mais pourquoi pas. Je relance ainsi une partie et réalise avec effarement qu’on ne peut pas zapper une scène, même si on l’a déjà vue. Je ne peux même pas zapper l’intro et sa voix-off, ou tous ces longs moments linéaires. Et bien sûr, impossible de choisir son chapitre.
Et voilà, cet unique choix de design débile qui détruit la rejouabilité du titre. Parce que clairement, si le film est raisonnablement compétent, il est loin d’être assez bon pour que j’aie envie de me l’envoyer deux fois d’affilée, voire trois ou quatre s’il me faut plusieurs essais pour trouver la bonne formule.
Tout ça s’est donc terminé sur Youtube, non sans un vilain relent de rancune qui a clairement gâché une expérience jusqu’ici très satisfaisante. Et quel dommage, car vraiment, tout était réuni pour en faire un excellent film interactif pour amateurs du genre. Au lieu de ça, vous passerez un bon moment si vous êtes suffisamment fan de FMV et que vous ne mourrez pas trop tôt. Ça commence à faire un peu trop de “Si”.