J’ai découvert les jeux en FMV (acronyme désuet pour “Full Motion Vidéo”) dans les années 90, à l’époque où Sierra nous sortait des Phantasmagoria interdits au moins de 16 ans et où le jeu X-Files me permettait de réaliser mon fantasme de road trip avec Walter Skinner. J’en étais tellement friand que j’en ai amèrement pleuré la disparition lorsqu’ils se sont volatilisés du paysage vidéoludique durant une petite vingtaine d’années.
Erica est le premier film interactif moderne auquel j’ai joué depuis le très bancal Bandersnatch. C’est une proposition bien différente de ce qui se faisait à l’époque de Sierra, et c’est tant mieux. Dans l’intervalle, Telltale a redéfini le genre en foutant à la corbeille toute la couche inutile d’énigmes et de recherches d’objets, et je me réjouis de voir que les bons vieux FMV suivent cette mouvance.
Erica ne fait que deux choses : raconter une histoire et vous donner des choix pour en personnaliser le déroulement. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle s’adapte réellement à ce que vous faites, car il est assez évident que la trame est linéaire et ne permet que de courtes déviations. On a donc un gameplay typique de Telltale, DontNod ou Quantic Dream, avec de petites arborescences de choix qui vous ramènent toujours à une base linéaire, et ça fonctionne très bien.
Vous incarnez donc Erica, interprétée par la très jolie Holly Earl, une actrice britannique trentenaire à qui je n’aurais pas donné plus de 16 ans. On est dans du thriller psychologique à la Shutter Island, avec une ambiance légèrement étouffante et des rebondissements qui vous feront douter de votre santé mentale.
La réalisation est soignée, avec une belle direction photo, des vidéos d’une qualité affolante (à raison de 20 Go par heure de jeu, il y avait intérêt) et le rythme ne retombe jamais. C’est plutôt bien joué et l’histoire était suffisamment intrigante pour me tenir en haleine du début à la fin. Les choix deviennent vite assez compliqués et se font dans la précipitation, ce qui rend certains passages agréablement stressants.
Une partie dure deux heures, auxquelles s’ajoutent d’éventuels replay si vous voulez découvrir les conséquences d’autres choix. Personnellement, dans les jeux de ce genre, j’aime assumer mes décisions et m’en tenir à une seule session, et je ne pourrai donc pas juger de la rejouabilité. Sachez toutefois qu’on ne peut pas zapper les vidéos, ce qui peut rendre la seconde partie un tantinet laborieuse.
Les limites de l’interactivité sont aussi vite atteintes quand Erica se retrouve confrontée à des situations qui devraient vraiment éveiller sa méfiance, face à des personnages à qui elle ne devrait absolument pas faire confiance, mais vous n’aurez d’autre choix que subir sa naïveté et la suivre dans une descente aux enfers qui aurait facilement pu être évitée avec deux sous de jugeote.
Le jeu était initialement exclusif à la PS4 et peut être joué avec le touchpad ou l’écran d’un smartphone, via une companion app. Et j’espère que ça marche mieux qu’à la souris, car sur PC, j’ai trouvé les interactions pénibles et souvent désagréables à exécuter. Plutôt que simplement cliquer sur ce que vous voulez utiliser, vous allez devoir mimer le mouvement en traçant des courbes et des cercles sur l’écran pour ouvrir une porte, tourner un robinet ou une clef dans une serrure. Sauf que ça marche rarement en un seul mouvement et le mécanisme a tendance à se bloquer un peu avant la fin.
Sur le papier, pourquoi pas, si ça ne fonctionnait pas aussi mal sur la version PC. Mais dans tous les cas, ça reste un gimmick assez inutile, d’autant qu’il semble avoir été assez difficile et cher à produire.
Erica est un bon petit film interactif. Son histoire n’est pas inoubliable mais c’est très bien exécuté et le format de deux heures est idéal pour y jouer en une session comme on regarderait un film. J’espère que le studio abandonnera les contrôles tactiles un peu gadget, mais j’attendrai leurs prochains projets avec enthousiasme.