Je ne suis pas fan de Kojima. J’ai joué au premier MGS que j’ai trouvé à la fois très bon et truffé de défauts. Je pourrais dire la même chose de Death Stranding et en rester là, mais je vais plutôt vous pondre un pavé de 8 pages.
Si vous avez joué à la dernière décennie de jeux à gros budgets, vous savez déjà que ce n’est pas l’innovation qui étouffe le marché du AAA, alors quand un jeu ‘majeur’ à gros budget décide de sortir des sentiers battus et de ne rien faire comme tout le monde, c’est déjà en soi une bonne raison de s’y intéresser.
Et sans mauvais jeu de mot, des sentiers battus, vous allez en quitter un paquet. Death Stranding est une expérience imparfaite, qui ose tout, parfois à moitié, mais garde jusqu’à son final un dévouement admirable à être bizarre et différent.
C’est d’ailleurs pour ça que je me suis montré aussi patient avec un jeu qui m’a passablement ennuyé pendant ses 15 premières heures, laborieuses au possible : Maniabilité irritante, univers intrigant mais servi par d’énormes brouettes d’exposition verbeuse où on vous en dit à la fois beaucoup trop et jamais assez, et des dialogues écrits avec le cul.
Et malheureusement, je n’en rajoute pas, c’est littéralement 15h de bénéfice du doute que j’ai donné à cet objet ludique non identifié, malgré toutes ses tares et ses déformations congénitales, son gameplay mal branlé, ses menus horriblement touffus, son interface intrusive et ses milliers de cutscenes qui se répètent ad nauseam dès qu’on valide une mission ou qu’on va piquer un roupillon.
Je suis allé un peu vite, alors rembobinons un instant et voyons tout ça dans l’ordre.
Comment on dit “World building” en Français ?
C’est quand même con de pas avoir un mot pour ça. Mais peu importe, c’est de ça qu’on va parler : comment Kojima introduit son univers, nous en explique les mécaniques et fait monter la sauce en restant suffisamment mystérieux.
Kojima a envie de raconter des histoires et fait preuve d’une imagination foisonnante. L’univers de Death Stranding est à la fois dépaysant, touffu et intrigant. C’est du post-apo comme je n’en avais jamais vu, à cent lieues des classiques de l’apocalypse zombie ou du désert nucléaire comme on en bouffe depuis un demi-siècle.
Le jeu met en place un écosystème complexe, régi par tout un tas de concepts que le joueur va devoir s’approprier et ce n’est jamais une mince affaire. A ce titre, les 10 premières minutes du jeu sont excellentes : Sam est montré à moto, avec plein de paquets. Un orage fait fuir les animaux et on en voit les effets sur les cheveux de Sam qui blanchissent, les oiseaux qui tombent du ciel et se décomposent. Dans le sillage de cette averse, des créatures invisibles font apparaître des traces de pas et tout ce qui vit dans les parages est en panique totale.
Sam se réfugie dans une caverne et retire une partie de ses vêtements mouillés. On découvre les marques sur son corps, une photo où il est entouré de deux femmes.
La chose invisible fait irruption dans l’abri mais elle semble aveugle et quand Sam retient son souffle, il parvient à faire profil bas jusqu’à ce que la créature passe son chemin. En dix minutes, on en a déjà appris beaucoup sur l’univers et notre personnage. Si seulement le reste du jeu avait pu être aussi élégant que cette intro.
A partir de là, on va vous fourrer un maximum d’informations dans la gorge en un minimum de temps et avec un maximum de mots. Tout ce qui aurait pu être montré va vous être expliqué, sur-expliqué, rappelé, à l’écrit, à l’oral, par radio, en personne, par interphone interposé.
Et on parle ici d’une bonne grosse douche d’exposition verbeuse, avec un gros volume d’infos à digérer et du vocabulaire abscons à ne plus savoir qu’en faire pour rendre ça le plus imbitable possible.
La scène qui suit ces 10 minutes de virtuosité fugace en est un bon exemple :
Fragile : “Vos yeux. C’est une allergie chirale ? Alors vous avez le DOOMS, comme moi.”
Sam : “Vous avez l’air d’être plus atteinte que moi. J’ai le facteur d’extinction.”
Ce sont les premiers dialogues du jeu. Ça annonce la couleur.
Et ça continue, avec les précipitations (Timefall en Anglais, je ne sais pas trop ce qu’ils ont foutu avec la VF), les voidouts, les cryptobiotes, l’aphenphasmophobie, les échoués (BTs) — Tout ça avec des personnages qui expliquent subitement des trucs à voix haute sans aucune raison, à l’image de cet employé de l’incinérateur mortuaire qui décide de raconter l’histoire des 20 dernières années à Sam, qui est manifestement déjà au courant de tout ça.
Ah mince, et ce cadavre qui va se nécroser et provoquer un voidout, on ne peut pas le brûler ici. A cause du Death Stranding, ça va balancer du chiralium dans la ville-relais mais suite au timefall, il y a trop d’échoués sur la route pour qu’on le transporte ailleurs. Tout va bien, car Sam est un rapatrié en plus d’avoir le DOOM, et il utilise un BB par connexion ombilicale pour se relier à l’autre côté. Ça va, vous suivez toujours ?
Quand Death Stranding introduit visuellement son univers, par son action et ses péripéties, c’est un régal, à l’image de la seconde séquence d’intro où Sam se “rapatrie” pour la première fois. Malheureusement, la plupart du temps, on se prend les diarrhées verbales de Guillermo del Toro qui nous explique jusqu’à la nausée des choses que notre personnage est déjà censé savoir, et explique en 800 mots ce qu’il pourrait dire en 20.
L’absurdité culmine quand on nous introduit le personnage de Bridget, mère adoptive de Sam :
Deadman: “Bridget veut vous parler.”
Sam : “Bridget ?”
Deadman: “Bridget Strand, la première et dernière femme à la tête des Etats-Unis. Vous vous en souvenez forcément ! Elle vous a élevé.”
Je précise que Sam ne soufre pas d’amnésie et est en pleine possession de ses moyens.
Une orgie pour votre RTX
Visuellement, ça déglingue. Non seulement le moteur affiche un rendu étonnamment réaliste des matières et des paysages naturels, mais il se paye aussi les visages les plus impressionnants que j’ai vu depuis The Last of Us 2. Cette débauche de technologie est mise au service d’une direction artistique aussi classieuse qu’inventive, et toujours très cohérente.
Les bunkers arborent des architectures pragmatiques qui mélangent béton, métal et hologrammes, les personnages ont des styles bien distinct qui transpirent tous la classe à leur manière, et plein d’autres trouvailles visuelles réjouissantes (Les drones, les BB, le radar).
Grâce au Decima Engine et au talent des artistes de Kojima Production, le jeu affiche des panoramas magnifiques et crédibles mais aussi des effets spéciaux improbables et toutes sortes de délires visuels pour donner vie aux idées les plus folles de Kojima.
Vous êtes à moto dans un désert de rocaille et l’instant d’après, la vallée se remplit d’une boue noire qui semble animée d’une vie propre et se répand tout autour de vous en temps réel. Dans la minute qui suit, la gravité semble s’être inversée, des baleines et des crabes morts flottent sur un panorama crépusculaire où des colosses spectraux flottent au bout de filaments ombilicaux- Vous voyez le tableau.
Vous reprendrez bien un peu de plomb
Le jeu se décompose en 4 phases :
– Gestion d’inventaire, de mission et préparation
– Voyage et transport de marchandises
– Combat contre des terroristes à la con
– Infiltration pour échapper aux fantômes invisibles qui font des traces de mains
L’infiltration au milieu des créatures peut souvent être évitée et reste donc assez marginale. La réalisation visuelle et sonore est excellente et rend ces scènes suffisamment viscérales pour compenser l’obligation de se balader au ralenti, accroupi avec la main sur la bouche.
Les combats n’ont strictement aucun intérêt et je m’interroge sur leur présence. Est-ce juste pour ajouter sur la carte de larges zones qu’on a envie d’éviter, afin d’encourager l’élaboration de routes plus complexes ?
Est-ce une inclusion dictée par le marketing qui voulait mettre ces séquences dans les bandes annonces pour rassurer les joueurs qui craignaient avoir affaire à un simulateur de promenade, en leur montrant que “Non non, tout va bien, il y a des flingues et des méchants.”
Ou bien est-ce juste Kojima qui a paniqué et décidé de mettre des phases de TPS classique dans son jeu, parce que la rando, ça va bien deux minutes ? Quand on voit que beaucoup de boss sont des séquences de shoot et surtout l’argent investi dans ces phases de combats, avec toutes sortes d’armes et de gadgets, j’ai du mal à croire qu’il ne s’agisse pas d’une volonté de design délibérée.
Personnellement, j’ai fini par éviter les terroristes comme la peste et recharger ma partie quand je me faisais malencontreusement désarçonner de ma moto en territoire ennemi.
Les menus de l’angoisse
Toute la partie gestion est… touffue, complexe, et pousse la simulation un peu trop loin à mon goût, mais c’est une question d’affinités. Ce sentiment a longtemps été aggravé par une interface dégueulasse et peu intuitive, avec des menus à tiroirs et tellement de fonctionnalités qu’il a fallu en mettre deux sur chaque bouton du pad. Ainsi, quasiment chaque touche peut s’utiliser en pression brève ou prolongée et c’est assez pénible à l’usage.
On va aussi parler de la multitude de petites cinématiques qu’on revoit encore et encore et qu’on ne peut pas toujours zapper, ou encore l’improbable menu de fin de mission avec sa fonction “auto-skip” qu’il faut réactiver à chaque fois, deux fois de suite.
Chaque fois que vous allez vous coucher, il faut zapper : Sam qui prend l’ascenseur, Sam qui descend de l’ascenseur, Sam qui se couche, Sam qui se réveille et on finit par marteler la touche X avec irritation en attendant que ça se termine.
Chaque fois que vous commencez une mission/livraison, il faut faire :
X-long pour utiliser le terminal
X pour choisir “Missions”
X pour choisir les “Missions pour Sam”
X pour choisir une mission dans la liste
X pour voir passer la description
X pour faire taire Diehard man qui vous rappelle que c’est super important d’unifier les USA. N’oublie pas, Sam, il faut unifier les USA sinon on a pas d’avenir. Alors si tu peux unifier les USA sur la route, ce serait vraiment sympa.
X-long pour confirmer que oui, c’est bien cette mission là qu’on veut faire
X pour faire taire Mama qui a TOUJOURS un putain de nouveau gadget à présenter
X pour zapper l’écran de craft
X long pour choper le cargo
X pour organiser l’inventaire
X-long pour confirmer qu’on a fini
X pour ne pas voir Sam prendre son sac à dos pour la 213ème fois
Maintenant, vous pouvez multiplier ça par les 200 livraisons que vous allez accomplir.
Malgré les errances de l’interface et des contrôles, j’ai fini par apprécier le jusqu’au boutisme de la simulation qui donne lieu à des scènes surréalistes où votre perso rampera à bout de force ou finira par se pisser dessus si vous oubliez de vous soulager dans les fourrés. Toute la gestion des cargos, du poids, de l’encombrement et des diverses fixations pour équilibrer le personnage est réellement le coeur du jeu et sa complexité est donc toute justifiée.
La corvée et l’ennui au coeur de l’expérience
Malgré ce titre putassier, je ne m’apprête pas à chier sur le gameplay comme je l’ai fait sur la présentation de l’univers. Effectivement, Death Stranding est un jeu qui va vous demander beaucoup de patience, une certaine endurance à la répétition, la frustration et l’ennui, car le coeur du jeu consiste à accomplir une corvée après l’autre. Mais curieusement, et contre toute attente, ça marche.
Vous êtes un livreur UPS du futur et 90% de ce que vous ferez dans le jeu consiste à aller d’un point A à un point B avec plus ou moins de poids sur le dos. Ca commence par des petites charges, mais on vous demandera rapidement de porter des trucs plus lourds que vous, des gens, des cargos fragiles qu’il ne faut pas trop secouer, des cargos à livrer en temps limité, des explosifs hautement instables, j’en passe et des meilleurs.
Bien sûr, la route est semée d’embûches, de terroristes et de fantômes, mais surtout de cailloux, de montagnes à gravir, de ravines à traverser et de rivières à franchir. Vous avez aussi des pluies acides qui rongent les cargos, des précipices sans fond, de la neige, des tempêtes et autres évènements plus ou moins cataclysmiques.
Pour surmonter ces obstacles, vous aurez une large panoplie d’équipements (échelles, cordes, gants, et plein d’autres que je ne spoilerai pas trop), de véhicules, et même toute une collection de structures à construire : coffres de stockage, bunker portatif, stations de recharge. Avec assez de ressources, vous pourrez même construire des ponts et des routes.
J’ai longtemps fait le pisse-froid mais quand le déclic s’est opéré, je me suis finalement laissé séduire par cette lancinante mélancolie et la solitude douce-amère de ces longs et fastidieux voyages sur les terres ravagées d’une Amérique à l’agonie.. et qui ressemble bigrement à la Nouvelle-Zélande.
Une mélancolie sublimée par ces très beaux moments où le son s’étouffe pour laisser place à la musique du groupe “Low Roar”. Le temps semble alors suspendu, les pistes sont douces et collent parfaitement à l’ambiance. Kojima saupoudre généreusement vos pérégrinations avec en tout une vingtaine de morceaux pour ponctuer les moments forts ou juste embellir le silence de vos livraisons solitaires.
L’enfer, c’est les autres, sauf quand ils construisent des autoroutes
Death Stranding est un jeu à message. Un message transmis avec la subtilité d’un 33 tonnes, certes, mais un beau message que véhiculent aussi bien son histoire que son gameplay. Sam devra traverser le pays et le “connecter”. En effet, depuis l’apocalypse, les derniers survivants vivent dans des bunkers, rongés par la solitude et toutes sortes de névroses.
Vous allez donc d’un bunker à un autre avec vos clefs 5G pour réactiver le “Réseau Chiral” et tout le monde est super content de vous voir. Chaque zone connectée au réseau vous permet aussi de bénéficier des structures construites par d’autres joueurs. Vous pourrez utiliser leurs échelles, leurs cordes mais surtout leurs ponts et leurs bunkers, et tout ça va rendre vos voyages beaucoup plus confortables.
Ce multijoueur asynchrone crée un aspect communautaire très original, et qui fonctionne plutôt bien. Selon votre affinité au système, vous allez au minimum être content de profiter de ces structures, ou décider d’y prendre part activement et faire tout votre possible pour aider les autres joueurs en vous abreuvant de toutes ces petites bouffées de dopamine, chaque fois qu’ils expriment leur gratitude sous forme de “Likes”.
La rando, c’est des hauts et des bas
Ce qui a rendu pour moi la première moitié du jeu aussi chiante est décousue, c’est que j’ai rapidement eu une overdose d’information : entre les personnages qui me bombardent de vocabulaire ésotérique, des missions dans tous les sens, des tonnes de nouveaux équipements, des contrôles peu intuitifs, et l’interface qui vous éclabousse une bouillie de texte et d’icône au visage chaque vous que vous ouvrez la carte ou que vous descendez de moto.
Du coup, j’ai moi même flingué mon expérience en zappant une grande partie de cette complexité au profit des déplacements motorisés. Sauf que… je faisais toujours la même chose, à savoir avancer bon gré mal gré sur un terrain accidenté avec un véhicule qui avait manifestement envie de rouler sur du plat. Heureusement, le jeu limite grandement l’usage des véhicules dans sa seconde moitié.
Au début, traverser une rivière sans se noyer ou franchir un ravin en équilibre sur une échelle sont de vrais défis. Et malheureusement, tout ça disparaît assez vite à cause des mises à jour de l’équipement. Les rivières, on s’en fout un peu quand on a des ponts partout.
Ça pourrait être un problème, mais le jeu a beaucoup d’autres choses à offrir et c’est un petit sacrifice au profit d’une expérience plus large. C’est vrai, on peut facilement contourner les obstacles mais c’est de là que vient la satisfaction d’avoir triomphé de l’adversité. Je me sentais malin quand j’utilisais mon scanner pour traverser la rivière à l’endroit le moins profond, ou quand je plaçais mes tyroliennes pour passer outre une périlleuse section d’escalade.
Dans sa seconde moitié – toute la partie montagneuse – le jeu a introduit tellement de mécaniques et d’équipement qu’on se retrouve à faire de vrais choix pour la planification de la route : Je prends un véhicule, mais je sais qu’il va se coincer dans des ornières de neige et que je vais finir à pied, donc je ne peux pas trop blinder le coffre. Je prends aussi une plateforme de transport, mais je sais que je devrai faire chaque descente en rappel en deux fois pour transporter mes 200 kg de matériel. Ou bien je peux choisir de voyager léger et de faire de gros détours pour éviter les endroits les plus escarpés. Je repère soigneusement ma route pour éviter le large camp de terroristes, mais du coup ma bagnole va tomber à court d’énergie, donc je prends une station de recharge qui s’ajoute au poids de mon cargo, et ainsi de suite.
Tout ça est cependant conditionné par votre bonne volonté à faire un peu de roleplay, parce que dans la plupart des cas, la stratégie dominante consiste à simplement forcer le passage en moto, avec le turbo à fond, en contournant les obstacles.
Un pont trop long
J’ai terminé le jeu en 38h en faisant très peu de quêtes optionnelles. A mon sens, c’est à peu près deux fois trop long. Je comprends que le jeu a besoin d’espace, de grands espaces, et de longs moments de calme et de contemplation. Je le comprends et l’apprécie, mais quand sur ces 38h, on en a un bon tiers qui part en remplissage pour délayer la sauce et rendre le jeu artificiellement plus long, c’est difficile à justifier.
Le pire moment, c’est quand Deadman m’a annoncé que mon BB était en panne et que je devais faire des quêtes fedex pendant quelques heures le temps qu’ils le réparent.
“Juste quelques livraisons, Sam, pas de souci.”
“Encore quelques unes, Sam, patience !”
“On y est presque Sam, tiens bon.”
“Promis, c’est la dernière livraison, Sam !”
Si même les NPC se rendent compte qu’ils sont en train de tirer sur la corde et de vous faire faire de la merde, c’est qu’il y a un vrai problème.
Kojima, il ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît
Ceci dit, comme dans MGS, je suis absolument ravi de voir que Kojima se permet tout et ne respecte rien. Il aime avant tout écrire des personnages, et vous allez en bouffer un bon millier de pages. Chaque personnage secondaire a son histoire, ses motivations, son passé, ses secrets et ne sera satisfait qu’après vous avoir raconté sa biographie et ses états d’âme par le menu.
Cela donne lieu à de très très longues séquences de dialogues et bien plus d’informations intimes que vous n’en espériez. Si c’était dans un film, ces monologues de 20 minutes n’auraient aucun sens, en matière de rythme. Mais on s’en fout, le jeu dure 40h alors on est plus à ça près. Personnellement, je suis absolument client pour ça.
Et si je pensais avoir tout vu après la cinématique de 45 minutes dans Yakuza 0, Death Stranding explose le record avec un total de 120 minutes de narration non interactive ininterrompue. On nage en plein délire et c’est fantastique. D’autant que le scénario s’annonçait bizarre mais est parti beaucoup plus loin que prévu. Je m’attendais à ce que ce soit perché, mais je suis quand même resté sur le cul. Ca a beau être très bavard et vouloir tout vous sur-expliquer, ne vous attendez pas à des informations claires et exhaustives.
Enfin, le jeu a beau souvent se prendre au sérieux, il ne manque pas de pointes d’humour, avec des gags visuels, de l’humour de situation, même un peu d’auto-dérision. Kojima n’hésite pas non plus à casser le quatrième mur, une pratique dont je suis rarement friand et qui est amenée ici avec de gros sabots, et des résultats mitigés.
Laissez lui le temps de vous séduire et Death Stranding vous emmènera dans des recoins étranges que vous ne saviez pas avoir envie d’explorer. Une fois qu’il a trouvé ses marques, vous pouvez, dans la même heure de jeu : prendre une douche avec Guillermo del Toro, faire pousser des champignons avec votre urine, couper des cordons ombilicaux à coups de couteaux, jeter votre caca sur des fantômes équilibristes et transporter votre secrétaire dans un sac mortuaire pour l’aider à restaurer une connection télépathique avec sa soeur jumelle.
Le jeu tente beaucoup de choses et ne les réussit pas toutes, mais peu importe. Même quand il se prend les pieds dans le tapis, on lui sent une aura d’auteur – on le sent porté par une vision puissante qui transige rarement avec le cap qu’il s’est fixé. Et dans une industrie qui tourne en rond, s’auto-plagie et n’ose plus rien parce que c’est devenu trop cher de se planter, ça me donne envie de lui pardonner beaucoup.
Ce qui compte, au final, c’est cette énergie créative, cette folie permanente et ce jusqu’au-boutisme trop rare. C’est l’envie de créer quelque chose de nouveau et de sortir du rang pour offrir une expérience fraîche, qui sent l’herbe moite et les grands espaces. Oh, et Mads Mikkelsen, bordel, ça vaut bien un point de plus !
Great article!
I think you showed objectively the flaws and the best of this game.
Death Stranding is absolutely one of my favorite games, it’s clearly not perfect, but his originality really moved me in a period where I got fed up with all the open world AAA.