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A Plague Tale: Innocence │ ★ 8

Avec peste et fracas

Commençons par enfoncer une porte ouverte, puisque c’est la première chose qui saute aux yeux en lançant le titre : le jeu est magnifique. Pour une production AA au budget aussi modeste, réalisée par un ‘petit’ studio français qu’on connaissait principalement pour “Monopoly: Family Fun Pack”, le jeu est beau à pleurer, grâce à une direction artistique maîtrisée de bout en bout.

Techniquement, il n’y a pas de quoi crier au miracle, car l’impressionnant niveau de détail est compensé par le caractère résolument étriqué des environnements dans des niveaux linéaires. Par ailleurs, le jeu triche souvent en offrant de superbes panoramas inaccessibles qui lui donnent juste assez d’ampleur pour rendre ses décors crédibles. Et quand je parle de linéarité, c’est un compliment, puisque cet aspect “sur rail” est au service d’une narration contrôlée qui jamais ne se disperse ou essaye d’en faire trop.

Toujours est-il que Plague Tale est une véritable usine à fonds d’écran et j’ai d’ailleurs passé ma partie à utiliser le mode photo. Puis, j’ai découvert que par défaut, quand on prend une photo, ça ne cache pas l’interface du mode photo, ce qui est absolument débile, car qui voudrait prendre une capture d’écran en gardant afficher l’interface de personnalisation de la photo. Mais passons.

C’est plutôt bien écrit, même si vraiment trop manichéen, les personnages sont assez attachants (mention pour ce bourrin de Rodric), y a une ambiance de dingue et c’est déprimant à souhait. Certaines scènes choc comme l’arrivée dans le bourg, peu après le prologue, est un grand moment de tension, et le jeu va enchaîner les scènes choc de cet acabit. Le fait que beaucoup de personnages meurent contribue à construire une tension permanente, car on se dit qu’aucun d’eux n’est à l’abri, et c’est assurément ce qu’il fallait pour une histoire aussi sombre que celle-là.

Le seul bémol pour moi, et il est un peu gros quand même, ce sont les méchants très méchants. J’aurais beaucoup aimé qu’il y ait une ambiguïté quant à la légitimité des motivations des uns ou des autres plutôt qu’une séparation radicale entre : l’inquisition, c’est les méchants, et les gosses sont les héros.

Du genre, l’inquisition qui essaye vraiment de sauver le monde et qui ne se comportent pas forcément comme des connards, mais qui ont besoin de tuer le gamin pour fabriquer un antidote ou un truc du genre. Et Amicia qui fait tout pour protéger son frère, sans vraiment comprendre des évènements qui la dépassent, et qui met des bâtons dans les roues des seuls personnes pouvant venir à bout de la peste. C’est brouillon, mais c’est juste un exemple.

A Plague Tale très bien rythmé, entre moments narratifs, infiltration et puzzle à rats, et il y a une belle progression quand on voit le chemin parcouru entre le début où l’héroïne est une victime totale et la dernière heure où on déchaîne des vagues de rats sur les pauvres inquisiteurs. L’alternance de gameplay allant de l’action à l’infiltration en passant par exploration ou puzzle suffit à empêcher monotonie qu’auraient pu instiller son ambiance nocturne et oppressante. On sent que les leçons de jeux comme Arkham Asylum ont été bien digérées, car on nous demandera rarement de faire la même chose plus de quelques minutes.

Les divers systèmes fonctionnent bien, mais aucun des gameplay ne vous laissera de souvenirs impérissables. L’infiltration, par exemple, ne saurait être comparée à un sandbox systémique à la Dishonored et peut paraitre très guidée. Vous y avez autant de liberté d’action que pendant le plateforming d’un Uncharted où tout est très linéaire, avec une solution unique, et peu de challenge à l’exécution. Tout repose sur la compréhension de ce qu’on doit faire, et dans quel ordre, et si vous acceptez qu’il s’agit de petits puzzles enrobés narrativement, c’est très agréable à parcourir. Il en résulte néanmoins une certaine rigidité puisque le système est trop limité pour permettre inventivité ou improvisation.

Ce côté puzzle se ressent un peu partout. On est souvent dans des environnements très étroits avec une tâche spécifique à accomplir dont l’exécution n’est pas difficile, mais c’est quand même sympa à faire et je n’ai jamais eu l’impression de trop répéter la même chose car le jeu introduit de nouvelles mécaniques juste avant qu’on se lasse de la précédente. Ce sont surtout les puzzles avec les rats qui rendent le jeu unique et c’est vraiment bien exécuté.

Pour un jeu aux situations aussi variées, je me serais attendu à ce qu’au moins un des gameplay soit complètement loupé, mais l’ensemble se tient étonnamment bien et j’ai passé de très bons moments du début à la fin du titre. C’est clairement un studio que je garderai désormais à l’œil.

Avant même de commencer, j’étais déjà un peu acquis à la cause : un jeu lourdement narratif avec un univers post-apocalyptique et quasiment pas de HUD, c’est clairement ma came.

Qui plus est, si vous êtes autant saoulé que moi par les énormes jeux de 50h aux mondes ouverts saturés d’activités insignifiantes, le simple fait de jouer à un jeu linéaire d’une durée raisonnable devrait suffire à vous aguicher. Modéré et maîtrisé plutôt qu’exagérément ambitieux, A Plague Tale fait les meilleurs choix pour tirer le meilleur de son budget limité et s’en sort avec les honneurs. Je serai le premier à bondir sur la suite, actuellement en préparation.

8

8/10

(Artwork by Lammakian)

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