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Yakuza: Like a Dragon │ ★ 8

Yakuza 7 est l’épisode de la rupture : changement de personnage, de ville, de gameplay, renommage pour les versions occidentales qui décident de ne pas mentionner le numéro alors que la version japonaise n’a pas froid aux yeux et se traduit par “Like a Dragon 7: Whereabouts of Light and Darkness”. C’est une maladie bien de chez nous d’avoir peur des gros chiffres et de faire des reboot de nom tous les deux épisodes ou d’arrêter les numéros après le 3 ou 4. Les Japonais en sont à leur 16ème Final Fantasy et ne semblent pas prêts de s’arrêter.

C’était le premier chapitre et je m’égare déjà. Breaking news: Yakuza est devenu un J-RPG. Alors que la tendance dans l’industrie serait plutôt à transformer les J-RPG chiants en pseudo beat’em up, Ryu Ga Gotoku a encore décidé de ne rien faire comme tout le monde et abandonne 16 ans d’expertise dans le cassage de gueule pour faire des combats en tour par tour avec des gros menus à l’ancienne.

Tout le monde espérait que c’était une blague ? Non seulement c’est très sérieux, mais contre toutes attentes, la transition est nettement moins pénible et désastreuse que ce que je craignais. J’ai aussi beaucoup de mal à leur en vouloir, parce qu’à l’exception de Yakuza Dead Souls (2011) et Binary Domain (2012), ça fait plus de 15 ans qu’ils font exactement la même chose. Avec un talent inimitable, certes, mais tout de même.

Nouveaux venus, nouveaux départs

Dans le fond, ce nouvel épisode reste dans la continuité directe de ce qui a fait le succès de la série. On vous parle donc de familles de Yakuza, d’honneur, de loyauté, de mafia coréenne et de personnages pris dans un tourbillon de magouilles politiques épaulées par des factions de crime organisées qui s’entrechoquent dans un concert de bourre-pif et de pieds dans la gueule.

Le mélange de tons fonctionne toujours aussi bien, avec une trame principale très sérieuse entrecoupée de contenu annexe joyeusement absurde, et un amour immodéré pour les sans abris et leurs désormais fameux casinos clandestins dans les égouts de la ville.

L’histoire reste globalement sérieuse, voire sombre et ponctuellement tragique, mais c’est tout de même un peu plus débile et léger qu’à l’accoutumée. Il y a encore du drama, des gens meurent et d’autres les pleurent, mais l’ambiance est souvent bon enfant, à la limite du loufoque. C’est loin d’être aussi sombre et premier degré qu’un Yakuza Zero ou Kiwami 2. Ce changement de ton est en partie dû au groupe de héros – une bande hétéroclite de losers qu’on aurait bien du mal à prendre au sérieux – mais pas seulement.

Et de ce fait, la rupture entre drame et comédie n’est plus aussi tranchée qu’elle ne l’était entre l’histoire et les missions optionnelles. On a désormais une histoire qui alterne entre sérieux et nawak, tandis que le contenu annexe est aussi WTF que d’habitude. C’est un peu l’inverse de Judgment qui faisait pencher la balance de l’autre côté et où les missions secondaires se permettaient d’être sérieuses.

Yakuza est désormais un J-RPG

J’ai encore un peu de mal à accepter cette information, d’autant que je sors tout juste de Lost Judgment, le spin-off qui perpétue la glorieuse tradition du cassage de bouches en temps réel, et avec plus de panache que jamais.

D’un côté, je me dis que c’est un sacré gâchis d’abandonner un genre qui correspondait parfaitement à la série, d’autant plus qu’ils avaient mis plus de 10 ans à pondre un système de combat potable, en passant par des épisodes où le gameplay était vraiment gênant, comme Yakuza 3, ou les boss absolument merdiques de Kiwami. Et d’un autre côté, ça me console de voir que le spin off reprend le flambeau tandis que la série originale va voler de ses propres ailes pour explorer de nouveaux horizons.

Pour leur première incursion dans un nouveau genre, le studio s’en tire avec les honneurs et a réussi à assembler un J-RPG très correct. Et je ne prétends pas connaître grand-chose au genre, mais je connais trois catégories de J-RPG : ceux dont le gameplay m’endort en moins de 3 minutes, ceux qui me font vomir dans ma bouche, et les autres. Je suis ravi de pouvoir classer Yakuza 7 dans cette dernière catégorie.

Est-ce que c’est mieux qu’avant ? Manette en main, absolument pas. Mais si votre partenaire vous regarde jouer, c’est désormais beaucoup plus distrayant en tant que spectateur, et le gameplay plus posé permettra à votre backseat gamer de participer aux combats en vous donnant des conseils. J’ai personnellement fait toute la série avec ma femme et c’est le premier épisode dans lequel les combats l’intéressaient suffisamment pour qu’elle ne me demande pas de les éviter systématiquement.

Yakuza: Like a Dragon Quest

Je n’ai pas joué à beaucoup de J-RPG, donc je vais sortir une vieille référence périmée et dire que fort heureusement, Y7 n’est pas statique et horriblement pénible comme Dragon Quest 8. De petites QTE au moment d’attaquer permettent de taper plus fort, et même chose pour bloquer les coups et atténuer les dégâts. Ce n’est pas grand-chose, mais ça permet de se sentir un peu plus actif et impliqué, et c’était très important pour moi.

Il y a aussi une vague notion de placement, mais comme vous ne contrôlez pas les mouvements des personnages (juste le choix d’une compétence et d’une cible), c’est souvent plus frustrant qu’autre chose : je vois trois ennemis groupés au même endroit, je prépare mon attaque de zone, mais le temps d’aller dans les menus et de jouer l’animation de déclenchement, ils ont eu le temps de se disperser et mon perso zone comme un couillon sur une cible isolée.

A l’inverse, vos personnages auront tendance à rester bien groupés quand le boss zone comme un porc alors que vous voudriez bien les voir appliquer les gestes barrières et la distanciation sociale.

Like a Dungeons & Dragons

Cette nouvelle couche de RPG s’accompagne malheureusement de bien des désagréments.

Très tôt dans le jeu, on vous envoie dans les égouts le temps d’un “donjon” : un interminable dédale de salles et de couloirs truffés d’ennemis où vous allez bouffer des combats au kilomètre. A ce moment du jeu, vous n’avez que très peu de techniques et quasiment aucune variété dans les combats, ce qui rend cette incursion souterraine absolument imbitable, avec des enchaînements de salles dupliquées jusqu’à la nausée.

La très bonne nouvelle, c’est que ce donjon est un égarement passager qui ne se reproduira jamais. Je ne sais pas ce qui leur est passé par la tête, surtout à ce stade du jeu où le système de combat n’a pas eu le temps de se développer et n’a pas du tout les reins assez solides pour encaisser deux heures d’affrontements.

Cependant, même en ville, lors des rencontres aléatoires, les combats sont plus longs qu’avant et moins agréables à jouer. Plutôt que spontanément casser des gueules en bondissant d’un ennemi à l’autre à grand coup de tiger drop, vous devez donner des instructions et regarder des chiffres à l’écran, ce qui est à la fois triste, répétitif et un peu longuet. Et ça casse allègrement le rythme de vos déambulations.

Street Fighting jusqu’au bout de l’ennui

En lui-même, le système de combat est plutôt solide, mais pas assez riche pour encaisser de longues enfilades de combats. On se retrouve souvent à utiliser les mêmes skills en boucle par souci d’efficacité. On trouve rapidement des stratégies dominantes qui s’imposent pour écourter les combats et rendent 80% des autres capacités caduques.

J’ai par exemple vite compris que tous les skills de buff et de debuff mono-cible n’avaient aucun intérêt et que gaspiller ainsi un tour pendant lequel j’aurais simplement pu faire des dégâts n’était pas rentable. Alors, certes, il y a la beauté du geste, mais la variété du gameplay en prend un sacré coup.

Les combats de rue ont été un problème dans tous les Yakuza. C’était moins le cas depuis Y6 et Kiwami 2 où il était possible de tracer pour les éviter, mais c’est plus une option, puisqu’en bon JRPG qui se respecte, vous serez téléporté dans une instance de combat dès qu’un ennemi vous effleure.
Et pour couronner le tout, y a des bandes d’ennemis à TOUS les coins de rue. Avec l’expérience, on trouve des astuces pour les éviter, mais c’est un peu usant et ça m’a rappelé les pires moments de Judgment, quand Kim me passait des coups de fil pour me dire que le clan Machin était sur le sentier de la guerre. #PTSD

C’est surtout dans les modes post-game genre Premium qu’il est insensé de ne pas pouvoir désactiver les combats aléatoires. J’ai fini l’histoire, je veux juste me balader en ville sans me faire aggro tous les 15 mètres. Foutez-moi la paix.

Level Gating

“Le level gating est une technique de Game Design où des ennemis de niveau supérieur vous empêchent d’explorer certaines zones ou d’accomplir certaines quêtes jusqu’à ce que vous atteigniez un niveau supérieur.”

Le plus gros crime que commet cet épisode est de recourir au level gating pour allonger artificiellement sa durée de vie. A plusieurs moments de l’histoire, vous serez bloqué par un mur d’XP. Il s’agit généralement d’un boss ultra vénère qui va vous mettre une branlée inévitable parce qu’il a 10 niveaux de plus que votre groupe et que vos réflexes n’influent que très marginalement sur le déroulement des combats.

Vous allez donc devoir farmer les niveaux à grand coup de grind, d’achat d’équipement, de craft et que sais-je encore. C’est quelque chose qui m’est arrivé pour la première fois après 55h de jeu, alors que j’avais largement pris mon temps et que je faisais une tonne de contenu annexe. Accessoirement, c’est un problème qui ne pouvait pas exister quand le jeu était un honnête beat’em all où ce sont les compétences du joueur qui évoluent et non le niveau des personnages.

Dans n’importe quel autre jeu, c’est un pêcher capital qui m’aurait fait poser définitivement la manette. C’est d’ailleurs ce que j’avais fait sur AC Odyssey (qu’il aille bien se faire foutre) un peu plus tôt dans l’année. Dans un Yakuza, c’est un peu différent, car je suis biaisé et je sais que je vais pseudo-100% le jeu, dans tous les cas. La seule différence est que j’ai tendance à d’abord terminer la trame principale, puis à rincer le contenu annexe, et que j’ai dû faire l’inverse.

Notons toutefois que le jeu dispose d’une arène permettant d’engranger de l’XP à une cadence industrielle et m’a permis de régler le problème en une paire d’heure. A vous de voir à quel point vous êtes prêt à tolérer ce genre de choses.

Difficile de lui en vouloir

Ichiban, le nouveau personnage, est franchement sympathique et m’a rapidement conquis. Soyons clairs, il n’a pas la trempe d’un Kiryu : l’avantage d’un personnage ultra-sérieux, façon caricature de Shonen, c’est le contraste qu’il suscite entre sa personnalité ombrageuse et les situations débiles dans lesquelles il se retrouvait. Ichiban, quant à lui, est lui-même débile et décalé, si bien qu’on perd la saveur de la rupture de ton au profit d’une œuvre plus uniformément humoristique.

Malgré tout, le contenu annexe est toujours aussi généreux et exceptionnel, avec des tonnes de mini jeux, de longues séquences de quêtes très bien écrites, plein d’activités optionnelles très drôles, notamment un jeu de quiz, ou une longue campagne scénarisée qui nous met dans la peau d’un CEO de PME (évolution très améliorée de la gestion immobilière de Yakuza 0).

Les combats ont beau avoir régressé, toutes vos attaques sont accompagnées de séquences animées tellement drôles qu’elles me faisaient encore marrer après 50h de jeu. En prime, un système de job assez flexible vous permet de changer sans cesse de spécialité pour tout tester, expérimenter de nouveaux builds ou compositions d’équipes. Et des jobs, il y en a un paquet.

J’ai beau avoir longuement parlé de ses défauts, Like a Dragon n’en demeure pas moins un Yakuza et donc naturellement un jeu exceptionnel. Dans la grande tradition de la série, l’histoire commence très lentement, mais devient formidable, jusqu’à sa conclusion épique qui vous laissera pantelant.

Les personnages sont excellents, c’est drôle, toujours intense, parfois émouvant et le jeu s’autorise une petite dose de fan service sans pour autant se reposer sur les acquis de la franchise qu’il réinvente à bien des égards.

C’est un épisode foncièrement différent, audacieux et clivant, qui m’a laissé très satisfait, mais m’a aussi beaucoup énervé, pour la première fois depuis que j’ai abordé la saga. C’est loin d’être le meilleur épisode et je continuerai toujours de conseiller le 0 comme point d’entrée, mais si le changement radical de gameplay peut convaincre certains joueurs réfractaires au beat’em up de laisser une chance à la série, il a ma bénédiction.

8

8/10

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