J’ai encore du mal à croire que Signalis est l’œuvre de deux développeurs. C’est une œuvre complète, ambitieuse et brillamment exécutée, qui sait exactement où elle va et ce qu’elle veut être, sans essayer d’en faire trop.
Ce qu’elle veut être avant tout est un hommage aux jeux d’horreur de l’ère PS1, Resident Evil et Silent Hill en tête. Cet hommage vibre dans ses graphismes pixelisés, la structure de son gameplay mais aussi quelques clins d’œils plus ou moins subtils dont certains m’ont fait agréablement frissonner.
Cet héritage lui donne un cachet immédiat qu’il aurait été aisé de gaspiller si le jeu avait voulu se hisser sur les épaules de ces géants sans en avoir la carrure. Mais Signalis ne manque pas de qualités et apporte à la formule suffisamment de mystère, de surprises et de personnalité pour tracer sa propre route et offrir une expérience unique qui ne laissera indifférent aucun fan du genre.
Visuellement, on est dans du gros pixel mêlé à des techniques plus modernes, avec une caméra aérienne et des environnements découpés en segments souvent exigus. Certains passages à la première personne viendront vous déstabiliser à intervalles réguliers, mais servent principalement aux puzzles ou à la narration.
A l’instar de ses inspirations, le gameplay alterne entre des combats avec des ressources très limitées et par conséquent beaucoup de fuite, et des énigmes reposant trop fréquemment sur la recherche d’objets. Une bonne moitié des puzzles vous demande d’explorer les corridors infestés d’androïdes déments et autres horreurs mécaniques, afin de localiser des clefs, outils ou artefacts permettant de débloquer la prochaine porte. Après des premiers niveaux sur rails, vous accèderez à de larges environnements très ouverts où la carte sera votre meilleure alliée.
Maintenant, imaginez ces vastes décors, la recherche de multiples objets, plusieurs armes et leurs précieuses munitions à transporter pour votre survie. Ajoutez un inventaire minuscule dans l’esprit de Resident Evil, et vous avez la recette pour une véritable foire à l’aller-retour. Signalis vous fait courir sans arrêt dans les mêmes couloirs au point de ne plus vraiment percevoir les ennemis comme une menace, mais plutôt comme une vague gène qui vous oblige à ajuster votre trajectoire.
Et quel dommage, car le jeu est très bien mis en scène et pose rapidement une ambiance lourde et oppressante, une solitude que renforcent les cutscenes et la rareté des interactions avec le moindre personnage.
Avec ses écriteaux et terminaux en allemand, ses coursives délabrées et une frontière ténue entre le mécanique et l’organique, Signalis évoque de multiples références visuelles et sonores, mais j’ai surtout pensé au manga Blame! pour l’esthétique générale, le design de ses personnages et de certains ennemis.
Côté son, gameplay et… beaucoup d’autres choses, c’est Silent Hill qui s’impose encore et encore, jusque dans les puzzles utilisant la radio. La référence est traitée avec un respect et un amour indéniable, et n’est jamais copiée sans vergogne.
Les puzzles soufflent le chaud et le froid. Pour deux coffres à codes ou une énigme moisie à base de doigts et d’anneaux, on a un énigme originale, très futée, et parfaitement intégrée dans la diégèse du jeu. Ce sont finalement celles-ci dont on se souvient et le reste apparait plutôt comme du remplissage dont je me serais volontiers passé, vu le nombre d’allers-retours qu’elles impliquent.
La narration est complexe et risque d’en laisser plus d’un sur le carreau. Ce fut mon cas jusqu’à ce que je me décide à en lire des interprétations et à regarder quelques vidéos d’analyse. L’histoire est volontairement déstructurée et opaque, et incite à relancer le jeu, à la manière d’un Nier Automata, si bien que j’ai failli arrêter avant la ‘vraie’ fin et en louper plus de la moitié.
Le jeu se termine en une dizaine d’heures, ce qui est assez classique pour le genre. Et pourtant, le jeu m’est tombé des mains à 1 ou 2h de la ligne d’arrivée.
Malgré son inventivité, sa maîtrise et son ambiance phénoménale, il est quand même plombé par son inventaire d’un autre âge et ses décors labyrinthiques. Alors, quand au bout de 8 heures, on m’a balancé dans un énième complexe bourré de portes fermées, d’ennemis à esquiver et de bidules à collecter, je n’ai simplement pas eu la foi.
Malgré mes quelques réserves inhérentes au genre auquel il rend hommage, Signalis n’en reste pas moins un bel accomplissement et un jeu à découvrir pour les nostalgiques de l’horreur 32 bits. C’est une lettre d’amour aux jeux d’horreur pour quarantenaires, et une impressionnante réussite artistique.