Après le crash de votre avion en haute mer, vous entrez par la grande porte de la cime d’un gratte-ciel qui émerge des flots non loin de la carcasse disloquée de votre zinc. Vous vous retrouvez dans une cité sous-marine en pleine déliquescence et faites la connaissance de quelques figures emblématiques locales, avant d’y faire un peu de nettoyage par le vide.
Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?
Bioshock est un FPS qui s’attache beaucoup plus au charme de son univers et à la richesse de sa narration que la moyenne de ses homologues. L’ambiance de Rapture, la cité aquatique, est d’une épaisseur impressionnante et sa patte graphique retro-futuriste typée Art-Deco lui procure un charme fou, comme je n’en avais pas vu depuis Thief 2.
L’emballage graphique est très convaincant, avec une déclinaison de l’Unreal Engine, un gros travail sur les effets de lumière et le rendu des liquides (écoulements, inondations, surfaces moites, bassins). Il participe grandement à la crédibilité visuelle de l’univers. Même chose pour la partie sonore, et notamment l’excellente bande originale, mélancolique à souhait avec ses cordes frottées gémissantes et ses longs accords langoureux.
L’univers est sombre, mature, crédible, l’histoire intelligente et bien menée (on finirait presque par adhérer aux slogans propagandistes du fondateur de la ville, qui sait se faire très convaincant), et on découvre avec un vif intérêt comment l’utopie sociale, politique et scientifique de ce petit coin de paradis a pu à ce point dégénérer.
Bioshock ne vous permettra pas de vivre la corruption, l’insurrection et déchéance de Rapture. Comme souvent, vous arrivez après la fête et devrez reconstituer les pièces du puzzle pour découvrir la vérité derrière les masques ensanglantés et les innombrables faux semblants.
On découvre cette trame à travers des rapports, des enregistrements, ainsi qu’en surprenant les conversations ou les monologues des survivants dont la plupart ont sombré dans la démence. On en apprend beaucoup aussi par les communications radio, des messages publicitaires et surtout par les environnements : Les décors sont truffés de détails et d’indications subtiles sur la manière dont la cité s’est enlisée dans la décadence. Ses architectures baroques, ses tunnels ensevelis par les flots, ses larges baies vitrées offrant des paroramas surréalistes, tout en démesure… on ne saurait trouver narrateur plus éloquent.
Plus fort : la narration passe également par les mécaniques de jeu et le comportements de certains personnages dont les réactions sont riches en enseignements. Je fais référence ici au duo symbiotique des Big Daddy et des Little Sisters, un autre élément essentiel de l’univers tourmenté de Rapture auquel vous serez fréquemment confronté.
L’immersion est à son comble lors de scènes d’angoisse comme le pavillon médical ou la Forteresse Folâtre de Cohen (les deux meilleures séquences, à mon sens) quand le jeu louche agréablement du côté de l’horreur avec des séquences de flippe très réussies et un travail impressionnant sur les ombres, malgré quelques effets de peur un peu grossiers.
L’ambiance est pourvue d’une puissance évocatrice qui a su me faire éprouver une empathie inattendue. Je m’étais lancé dans l’aventure, très impatient de croiser les petites soeurs car j’avais lu qu’on pouvait les assassiner, et que le meurtre d’enfants reste un tabou très rarement outrepassé dans les jeux vidéos et le cinéma occidental.
Je me suis donc empressé d’abattre l’un des Big Daddys, un peu troublé par les cris de terreur et les protestations de sa protégée dont je me suis ensuite emparé, mais confronté aux grands yeux terrifiés de la fillette et à ses gesticulations maladroite, je me suis retrouvé bêtement incapable de la mettre à mort et j’ai terminé le jeu comme un vrai bisounours en sauvant toutes celles que je croisais.
Gameplay en demi-teintes.
Si Bioshock est doté d’une ambiance formidable, ça n’en fait pas pour autant un formidable FPS. Les sensations de shoot sont correctes, sans plus. L’utilisation des pouvoirs (plasmides) est rendue assez laborieuse par l’obligation de switcher entre arme et plasmide sans pouvoir dégainer les deux à la fois, ce qui rend les combos (je te gèle, je te casse, par exemple) un tantinet pénibles.
Les ennemis manquent singulièrement de variété et se contentent d’être de plus en plus robustes, si bien qu’on croise toujours les mêmes têtes, mais que quel que soit l’arsenal sur lequel on a mis la main, on aura toujours autant de mal à en découdre.
La possibilité de tendre des embuscades par l’utilisation du décor, en revanche, est une excellente idée pas trop mal exploitée. Des flaques de pétrole peuvent être incendiées, on peut électrocuter des ennemis dans l’eau… tout ça marche plutôt bien mais ce n’est vraiment rentable que sur les Big Daddy. Pour le reste, j’ai plutôt eu tendance à communier avec mon shotgun.
A la manière de System Shock, le jeu permet également le piratage de dispositifs de défense (drones, tourelles) qui se prêtent bien aux embuscades sus-citées. Là où ça se corse, c’est que le piratage nécessite de triompher d’un mini jeu semblable à Pipe-Mania. Ca ne présente pas vraiment de difficulté, mais… ça parait un peu long et chiant au début. Après l’avoir fait 180 fois au cours du jeu, ça parait insupportable, au point d’avoir envie de fracturer l’écran et de s’avaler les amygdale. Sincèrement, après avoir terminé Bioshock, j’avais l’impression d’avoir joué à 80% de FPS sympa et 20% de Pipe-mania pourri.
Bioshock a parfois été comparé à Deus Ex mais ne vous y trompez pas : on ne retrouve rien de l’ouverture de level design, de la variété de résolution des situations et l’aspect social du FPS-Rpg de Ion Storm. Le jeu est globalement linéaire.
Monotonie galopante.
Arrivé à 70% du titre environ, j’ai commencé à m’ennuyer nettement, ce qui n’est jamais bon signe. J’avais ressenti une agréable intensification du rythme jusqu’à la rencontre avec Ryan et après ça, le soufflé est retombé. Ça me donnait l’impression que le jeu aurait dû se terminer sur ce point d’orgue et j’ai vécu les dernières heures comme une laborieuse prolongation, pas bien passionnante : mêmes décors, mêmes armes, mêmes ennemis, la sensation que tout ça trainait en longueur et que le gameplay n’avait pas du tout su se renouveler.
Le level design a beau être bon, j’ai eu l’impression de toujours tourner dans les mêmes environnements, à Rapture. On a beau se balader, il n’y a que très peu de différence visuelle entre l’hôpital, le centre commercial ou même la serre. Les couleurs restent très similaires, l’architecture demeure baroque… un sentiment de déjà-vu s’installe à mi-parcourt et n’en devient que plus insistant dans le dernier quart de l’aventure.
Dans ces conditions, j’ai beau en avoir gardé une bonne impression générale et quelques souvenirs très marquants, je ne me verrais pas y rejouer dans un avenir proche. J’ai eu plus que mon compte de galeries insalubres et moites.