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Bloodborne │ ★ 8

Après mon initiation à la dure sur Dark Souls 3 et la révélation sur Elden Ring, il était temps d’élargir mon horizon et explorer d’autres productions FromSoftware qui m’avaient longtemps fait de l’œil sans que j’ose franchir le pas.

Bloodborne a la réputation d’être assez brutal pour les accrocs du bouclier, en obligeant un gameplay plus agressif et l’esquive pour principal outil défensif. Fort de mon second run en double lame sur DS3, c’est avec une certaine assurance que j’ai abordé cet épisode, impatient de voir pourquoi il est si souvent cité comme le meilleur jeu du studio.

Et après l’avoir littéralement dévoré, en quelques longues et intenses sessions, je comprends désormais son aura de chef-d’œuvre, même si j’en ressors une fois de plus avec un mélange d’amour et de haine, sous le charme de son univers gothique et de l’incroyable générosité de son bestiaire, mais effaré par certains choix de design qui viennent ajouter de nouvelles casseroles à une recette qui en traînait bien assez.

Le sujet qui fâche : la parade

Parer a toujours été compliqué sur Dark Souls, et j’ai vite appris à l’ignorer sur DS3 et Elden Ring. Entre le bouclier et l’esquive, j’avais suffisamment d’autres options défensives. Pour Bloodborne, j’étais bien décidé à me discipliner et apprendre les attaques de mes ennemis jusqu’à leur sortir des counter-parry à la frame près.

Sauf que la parade est encore plus imbitable que dans les Souls. Vous ‘parez’ avec votre flingue, et au lieu de se déclencher quand vous appuyez sur le bouton, la fenêtre de parade se déclenche quelques frames d’animation après l’input, le temps que votre personnage sorte son arme. Et ça n’a l’air de rien au début, ces quelques petites frames, mais dans un jeu aussi violent et punitif, c’est absolument insupportable et ça donne l’impression d’avoir du lag.

J’ai joué à un paquet de jeu avec des parades millimétrées, incitant à une vigilance constante pour réagir au quart de tour en lisant les animations des ennemis, mais ici, il faut aussi anticiper et si votre arme est un peu lente, vous devrez parfois commencer à parer avant le début de l’attaque de l’ennemi et donc régulièrement parer dans le vide.

Il faut ainsi apprendre le move-set des ennemis, mais aussi anticiper leurs attaques pour caler le truc au bon moment, et mieux vaut ne pas se foirer, car si ce n’était pas assez chiant comme ça, la parade est attachée à une ressource en quantité limitée (les balles). Et oui, chaque parade dans le vide est décomptée de votre chargeur. Ceci dit, et contrairement à ce que j’avais lu, il est toujours possible d’ignorer le système dans la plupart des cas et se faire violence sur les quelques boss humanoïdes contre lesquels il est vital de parer.

Tant qu’on parle de ressources, le studio a eu la brillante idée d’attacher deux mécaniques essentielles à des consommables : les fioles de sang pour se soigner et les balles pour parer. Sur le papier, je comprends l’idée : la parade est très puissante, et comme c’est aussi une attaque à distance, des munitions illimitées permettraient de cheeser n’importe quel ennemi et boss. Mais dans ce cas-là, ne foutez pas la parade sur le flingue.

Les fioles de vie ne se régénèrent plus quand on se repose à une lanterne (feu de camp). C’est une ressource qui se récolte dans les niveaux et sur les corps des ennemis. L’avantage est que vous serez rarement ‘bloqué’ sans fiole de vie pendant votre exploration. Les ennemis en drop régulièrement et cela permet donc une progression plus fluide dans les niveaux les plus vastes. A l’inverse, DS3 ou Elden Ring obligeaient parfois à rebrousser chemin pour se reposer si vous tombiez à court de jus.

Toujours pas de checkpoints

En revanche, quand j’aborde un nouveau boss et que j’apprends à le gérer, je me retrouve désormais avec une double dose d’emmerdes :

1- Il faut faire un long sprint entre chaque essai, ce qui était déjà extrêmement casse-couille dans Dark Souls, mais que Bloodborne pousse à un autre niveau.

2- Quand vous vous retrouvez à court de fioles, vous devrez aller tuer des mobs dans la pampa pour faire de vous faire de l’argent, retourner au QG pour acheter des fioles, revenir dans la région du boss et faire votre petit sprint pour un nouvel essai. Ces sessions de farm intempestives cassent le rythme des boss, allongent artificiellement la durée de vie et augmente inutilement le taux de frustration.

Notez que les deux problèmes seraient élégamment réglés par un simple putain de checkpoint qui remettrait devant la porte du boss avec le même niveau de ressources qu’en arrivant : plus de jogging, plus de farm, et on ne perd rien à la tension d’avoir des lanternes espacées et des ressources qui s’épuisent, pour garder le joueur sous pression pendant les phases d’exploration.

Les lanternes sont encore beaucoup plus rares que dans DS3, donc on atteint des sommets de merditude sur les boss. Sur Shadows of Yharman, en ayant débloqué le raccourci, j’étais à deux doigts de le cheese pour ne plus avoir à me taper l’ascenseur et la rando en forêt – et quel dommage, parce que le boss était intense et mécaniquement intéressant, mais encore une fois gâché par des choix de design discutables. Et oui, je sais qu’une partie des joueurs aiment souffrir et veulent se faire “punir” entre chaque try sur un boss. Ils seront servis.

Du FromSoftware pur jus

Peut-être à cause de son habillage de beat’em up, je m’attendais à ce que Bloodborne soit un jeu d’action plus court et linéaire que les Souls, mais ce n’est pas le cas. Il utilise exactement la formule FromSoftware qu’on commence à bien connaître, avec de larges environnements interconnectés, une gestion de l’inventaire, des ressources, du leveling et une formidable richesse de contenu.

Il m’a fallu entre 30 et 40h pour terminer le jeu, ratisser la plupart des zones optionnels et des boss cachés, sans pour autant tomber dans le completionnisme. C’est donc un gros morceau, avec un bestiaire gigantesque et des zones aux architectures gothiques démesurées. Le studio commence à maîtriser son sujet et a changé juste assez de choses pour donner une sensation de fraîcheur tout en nous gardant en terrain connu.

Le gameplay a aussi eu droit à son petit dépoussiérage. On a un jeu beaucoup plus vif, orienté sur l’attaque, qui incite le joueur à toujours rester en mouvement et à prendre l’initiative. C’est un gros changement de paradigme après les Souls qui récompensaient souvent la patience et une approche méthodique. Beaucoup de systèmes très malins encouragent un jeu plus agressif, comme la regen de vie quand on tabasse un ennemi juste après avoir été blessé, les combos de transformation d’arme, une roulade bien plus efficace, ou le fait que les armes ne se bloquent quasi jamais dans les murs.

Et comme on est chez FromSoftware, toutes ces qualités sont saupoudrées de systèmes incompréhensibles qui font le bonheur des Wikis : le level up arbitrairement bloqué au début du jeu, les badges qui débloquent des items sans vraiment le dire, le système d’insight hermétique au possible, les runes, et je ne parle même pas du système optionnel de donjons.

Un peu trop gothique pour son propre bien

Techniquement, c’est un jeu PS4 un peu moche qui tourne à 30 FPS avec de méchantes chutes de framerate, mais j’en avais assez d’attendre la version PC. Honnêtement, j’ai des standards assez bas et rien de tout ça ne m’a réellement gêné. Le framerate qui hoquète est le seul point qui m’a fait grincer des dents, mais on finit par l’oublier une fois plongé dans l’action.

Heureusement, sa technique à la ramasse est compensée par une direction artistique à tomber, particulièrement pour le design des ennemis, avec un mélange d’horreur victorienne et d’abominations lovecraftiennes parfois vraiment croustillantes. Entre les bloodlickers, cramped caskets ou les winter lanterns, vous passez d’une atrocité à une autre, et les boss ne sont bien sûr pas en reste.

En revanche, à vouloir être toujours plus gothique et plus edgy, on a beaucoup perdu en lisibilité des décors. Je pense que c’est partiellement délibéré, mais les niveaux sont bordéliques, visuellement trop chargés, et manquent de landmark pour s’y repérer.
Même après avoir passé plusieurs heures à arpenter Yharman, j’avais bien du mal à faire la différence entre deux avenues gothiques crasseuses avec des escaliers exigus entourés de clochers. Quand j’ai dû retourner vers Father Gascoigne après être tombé dessus par hasard, je ne savais absolument pas où le trouver.

Le problème culmine en arrivant dans la forêt interdite qui est à la fois vaste, sombre, brumeuse et labyrinthique. Encore une fois, c’est un vrai merdier de s’y repérer et même si je connais des routes, je serais incapable de la cartographier. C’est un problème que n’a jamais eu DS3, et encore moins Elden Ring où on se faisait facilement une carte mentale des lieux malgré leur immensité.

Si vous aimez la recette FromSoft, Bloodborne est un très bon épisode, généreux et bien rythmé, avec juste assez de différences pour sentir le neuf. La boucle de gameplay est toujours aussi efficace et addictive, les combats ont une patate folle et quel plaisir d’explorer ces zones anxiogènes, sans jamais savoir quelle abomination va nous tomber dessus.

Pas aussi gratuitement méchant et retors que Dark Souls, Bloodborne est un jeu au gameplay plus nerveux et immédiat. Avec des checkpoints avant les boss pour éviter le grind et le jogging ad nauseam, on aurait tenu un petit chef-d’œuvre, mais le jeu reste assez solide pour m’avoir absorbé d’un bout à l’autre, et je comprends sans mal son aura de titre culte.

8

8/10

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