Yakuza Kiwami est le remake du premier épisode de cette formidable saga et certainement pas celui par lequel vous devriez commencer. Si vous cherchez le meilleur point d’entrée, c’est Yakuza 0, et vous pouvez donc cesser de lire cette critique.
Yakuza 1 est un épisode essentiel qui introduit les enjeux, les factions, et la plupart des personnages récurrents jusqu’à l’épisode 6. C’est aussi l’épisode le plus faible parmi les 10 jeux auxquels j’ai joué à ce jour. Dans une série qui n’a fait aucune fausse note en 15 ans, cela reste un bon jeu, mais s’il n’était pas aussi narrativement essentiel, c’est certainement celui que je pourrais recommander de zapper aux plus pressés.
Maintenant que j’ai cassé l’ambiance, voyons un peu ce que ce remake a dans le ventre.
Remake de luxe
Pour commencer, notons qu’il s’agit d’un remake et non d’un remaster. Le jeu a été entièrement refait en utilisant le moteur bien plus moderne de Yakuza 0 et visuellement, la différence est absolument incroyable. On passe d’un jeu moche pour de la PS2 à une fin de génération de PS3, avec des textures en haute résolution, de très beaux éclairages et des visages si détaillés qu’on peut plonger dans chaque pore de peau.
Le gameplay fait aussi un énorme bond en avant en se reposant sur les acquis de 0 : son triple système de combat, ses interactions variées avec l’environnement et ses finish outrageusement spectaculaires. Le portage PC est excellent et tournait à 60 FPS, tout à fond, sur un portable de 2015.
Le traitement de ce remake est similaire à ce qu’a fait Capcom quelques années plus tard pour Resident Evil 2 : une relecture moderne qui remet le gameplay et les graphismes au goût du jour tout en restant scrupuleusement fidèle à l’esprit de l’original. Ryu Ga Gotoku est allé jusqu’à reproduire chaque plan de caméra et refaire les cutscenes avec un incroyable souci du détail. Il y aura bien sûr quelques petites déviations que les fans qualifient tantôt d’améliorations ou de trahisons, mais je connais peu de remakes aussi fidèles à leur modèle, tout en étant aussi drastiquement modernisés.
Et ça ne pouvait pas mieux tomber car Yakuza 0 est le premier jeu qui a vraiment fait décoller la série en occident, si bien que beaucoup de fans ont commencé par cet épisode pour ensuite jouer à Kiwami. La transition de 0 (2015) à Yakuza 1 (2005) aurait été une sacrée douche froide, mais ce remake permet de continuer la série en douceur (la douche froide vous attend sur Yakuza 3, mais il en faudrait plus pour arrêter quelqu’un qui est déjà aller aussi loin)
Gâchis de dramaturgie
Si j’en chante les louanges en tant que remaster, je ne suis pas aussi élogieux envers le jeu en lui-même, car le matériau d’origine était assez faible. L’histoire est un peu décousue et tourne en rond sans avoir grand chose à dire, les motivations des personnages sont vagues et certains second rôles tellement insignifiants qu’on se demande ce qu’ils foutent là (Kazuki et Yuya, c’est bien de vous que je parle).
Vous jouez Kiryu, un Yakuza affilié au clan Tojo, une des deux plus larges organisations criminelles du pays. Autour de lui gravitent un certain nombre de personnages dont la plupart sont peu ou mal introduits et manquent d’épaisseur. On les présente succinctement mais sans vraiment réussir à faire ressentir leur importance ou la force du lien qui les unit à Kiryu. Par conséquent, quand Bidule meurt ou que Machin vous trahit, ça fait souvent l’effet d’un pétard mouillé.
Si vous avez fait vos devoirs en commençant par Zero, vous savez qui est Nishiki, pourquoi il est important, et sa bromance avec Kiryu vous a déjà fait verser quelques larmes. Après toutes ces soirées de karaoké endiablés, c’est votre BFF, et rien ne saurait vous séparer. J’estime que l’existence de Zero rend Yakuza 1 largement supérieur et compense ses lacunes d’écriture, car à sa sortie, je ne peux qu’imaginer à quel point le drama devait paraître faiblard.
Si vous avez poussé le vice jusqu’à regarder le court métrage “Yakuza Prologue”, vous avez aussi une bien meilleure compréhension de l’importance de Yumi, et sa relation romantico-platonique avec Kiryu. Encore une fois, c’était le boulot de Yakuza 1 de présenter correctement ses personnages, et Kiwami aurait pu corriger le tir, mais ils ont préféré se concentrer sur… Majima.
Majima, Goro Majima
Les ajouts les plus controversés de ce remake tournent autour de Majima. Dans le jeu original, c’était un personnage secondaire qui cabotinait comme le Joker et faisait office d’électron libre dans la hiérarchie du clan en servant ponctuellement d’antagoniste à Kiryu.
Dans le remake, un nouveau système vient étoffer la relation en inventant à Majima une obsession maladive pour Kiryu, qu’il traque à travers tout Kamurocho pour le piéger et le surprendre des manières les plus grotesquement inventives possibles. Si vous avez joué aux épisodes dans l’ordre et connaissez le Majima plus sérieux des épisodes 3+, ce ne sera pas forcément facile à avaler.
Si vous n’avez joué qu’au Zero, c’est encore plus compliqué, mais le remake n’y est pour rien : La préquelle a offert à Majima une introduction remarquable en en faisant un des deux personnages jouables, et mes aïeux… quel personnage ! Son charisme suait par tous les pixels de mon écran et après l’avoir interprété une bonne quarantaine d’heure, j’étais absolument conquis. Là où le studio a chié dans la colle, c’est qu’ils font très mal la passerelle entre le Majima posé de Zero et le zouave hystérique de Yakuza 1.
Zero offrait une vague ébauche d’explication, mais j’ai quand même eu beaucoup de mal à digérer la transition entre les deux personnages, tant ils n’ont quasiment plus rien en commun. Le Majima froid et dangereux de Zero finira par affleurer graduellement dans les épisodes suivants, mais on aura jamais eu d’explication convaincante à son énorme pétage de plomb (si ce n’est peut être dans le 5, mais je me suis largement assez égaré !)
Bref, que vous le vouliez ou non, vous allez voir Majima un peu partout, et je dis bien “partout”. Si vous acceptez l’absurdité du concept, c’est finalement très drôle et certaines scènes sont absolument anthologiques.
Excellent remake, bon jeu
Tout ça pour dire que narrativement, c’est le Yakuza le plus faible auquel j’ai joué : des seconds rôles en cartons, des enjeux dramatiques mal introduits, un grand méchant qui se pointe 10 minutes avant la fin et dont on se contrefout, et Haruka qui abandonne un chiot errant sans arrière pensée.
On a vu que Zero corrigeait certains problèmes, mais le remake vient aussi à la rescousse en ajoutant une série de cutscenes pour étoffer l’histoire de Nishiki et donner plus de contexte à son arc narratif. C’est tout juste suffisant, mais c’est déjà infiniment mieux que l’original qui faisait le minimum syndical. En outre, ces séquences sont émouvantes et très bien réalisées, en plus de parfaitement s’intégrer au reste de la trame.
- Tuer tout le casting d’un épisode à l’autre plutôt qu’investir dans les arcs de développement de personnages récurrents.
- Faire exploser le sommet Millenium tower.
- Parler d’énormes sommes d’argent.
- Tant qu’un méchant n’est pas explicitement mort, il va se relever, attraper le flingue qu’on a négligemment jeté à côté de lui et essayer de tuer le héros pour qu’un personnage secondaire s’interpose.
- Tout personnage essayant de se repentir meurt dans les minutes qui suivent.
J’ai beaucoup parlé de l’histoire, mais le plus gros défaut du jeu se situe à un tout autre niveau : ses boss. Tous autant qu’ils sont, les boss sont nuls à chier. Dès le premier combat contre Shimano, le jeu vous annonce la couleur. Vous êtes là pour suer du sang et faire descendre une jauge interminable, un pixel après l’autre. Tout ce que le jeu vous a appris est inopérant car les boss sont insensibles à vos techniques offensives et leurs attaques outrepassent toutes vos compétences défensives.
La seule stratégie consiste donc à donner un petit coup de poing, courir à l’abri comme un teubé, revenir pour un petit coup vite fait et croiser les doigts pour que le boss ne se lance pas dans une combo imbloquable/inesquivable qui arrachera les trois quarts de votre barre de vie. C’est du gros fun à tartiner.
Sensation de déjà-vu sur les mini-jeux
Le premier Yakuza n’avait pas encore la montagne de contenu annexe pour laquelle la série est désormais connue mais le remake en ajoute une grosse couche. Si vous sortez tout juste de Zero, c’est beaucoup de redite et vous n’aurez pas forcément envie de vous refaire une saison de championnat de voitures téléguidées, ou la tournée des mini-jeux qui nous ramènent immanquablement en terrain connu (Bowling, billard, UFO catcher, fléchettes, Sega Arcade, Coliseum, Karaoké, ainsi que les incontournables soirées au bar à hôtesses).
Cela dit, l’inclusion de Majima réserve pas mal de surprises et constitue à elle seule une bonne raison d’explorer une nouvelle fois toutes ces activités.
Les histoires annexes (sub-stories) sont un autre bonus bienvenu du remake, mais elles ont perdu le côté loufoque qui faisait le charme de Yakuza 0, au profit de petites histoires souvent sérieuses mais pas bien marquantes. Il y a bien quelques exceptions mais sorti de Majima, c’est finalement un Yakuza assez premier degré que je conseillerais de faire rapidement, sans forcément tout ratisser comme dans les autres épisodes.
J’ai sûrement été un peu dur, car Zero avait mis la barre très haut, mais honnête, Kiwami était très sympa à parcourir. La mise en scène est super dynamique, les Yakuza arrachent leur veste et leur chemise en un seul mouvement avant de se foutre sur la gueule et on a jamais le temps de s’ennuyer deux minutes.
Un Yakuza correct reste bien supérieur à la moyenne de ce qu’on nous sert dans la plupart des AAA, et Kiwami reste donc un bon titre qu’il est facile de recommander. J’aurais voulu plus de changements pour améliorer l’histoire foutraque de l’original mais je comprends que le studio marchait déjà sur des oeufs à essayer de moderniser l’opus fondateur sans se mettre trop de fans à dos, et le résultat est très honorable.