Le studio chilien ACE Team a deux amours : les univers barrés aux écosystèmes surréalistes dont la direction artistique est issue d’un énorme trip hallucinogène à l’Ayahuasca, et les boules qui roulent. Après avoir successivement exploré l’un et l’autre dans Zenoclash et Rock of Ages, leur nouveau projet parvient enfin à marier les deux.
The Eternal Cylinder n’est pas le genre de titre qu’on fait facilement entrer dans des cases. On pourrait le qualifier de jeu d’exploration-aventure avec des composantes de survie mais ce serait assez réducteur car il a aussi un peu de plateforme, des énigmes, pas mal de narration, mais surtout un univers totalement fou et visuellement délirant.
Vous jouez une famille de Trebhums, d’adorables petites boules montées sur deux pattes, dont la particularité est de pouvoir absorber les propriétés génétiques des plantes et animaux pour muter et s’adapter aux difficultés de leur quotidien. Bouffez un criquet et vous avez maintenant de longues guiboles et la possibilité de sauter beaucoup plus haut. Certaines plantes vous couvrent de fourrure pour endurer le froid, ou font muter votre trompe en trompette pour effrayer les prédateurs.
Et bien sûr, il y a le Cylindre, une énorme structure qui roule sur le monde en broyant montagnes et forêts dans son sillage. Seules les tours, vestiges d’une ancienne civilisation, parviennent à contenir la furie destructrice du cylindre, du moins un temps, et vous allez ainsi alterner des phases d’exploration tranquilles et des course-poursuites désespérées contre un cylindre incandescent de 80 mètres de diamètres. Ca n’a aucun sens, mais c’est exactement pour ce genre d’extravagances que j’attendais le titre, et je n’ai pas été déçu.
Outre le cylindre, ce ne sont pas les prédateurs qui manquent :
- L’Omnogromd est une énorme gueule pleine de dents dont l’aspect général évoque vaguement une mangue avec des petites jambes.
- Le Tonglegrop est une sorte de tronc monté sur un boulet de démolition qui vient vous vomir dessus.
- Le grand Gaaahr a l’allure d’une girafe et une gueule verticale qui s’enroule sur une rangée de crocs tandis que son dos est surmonté d’une sphère remplie de gaz posée au sommet d’un pilier de bidoche.
Je fais de mon mieux, mais ces descriptions sont loin de rendre justice à l’inventivité incroyable de la faune et de la flore. Allez plutôt voir le trailer qui en met sérieusement plein la vue : https://www.youtube.com/watch?v=I9PqENBSy9s
The Eternal Cylinder affiche des décors surréalistes, parfaitement restitués par un Unreal Engine au mieux de sa forme. Les studio avait déjà prouvé sa créativité sans bornes sur Zeno Clash qui mélangeait un surréalisme à la Dalhi à des influences de folklore aborigène Chilien, mais ils vont encore beaucoup plus loin cette fois en créant un univers riche et coloré que je ne suis pas prêt d’oublier.
C’est la plus grande force de The Eternal Cylinder : son univers est fascinant à découvrir et chaque nouvelle créature est un émerveillement.
Le gameplay n’est malheureusement pas aussi flamboyant, mais c’est en partie dû à mes préférences de joueur. N’ayant aucune affinité avec le genre, toute la partie survie m’a fait royalement chier, que ce soit la gestion des ressources ou les jauges de faim et de soif. Heureusement, c’est finalement peu encombrant et le jeu a le bon goût de proposer toutes sortes d’options pour en diminuer l’impact.
L’exploration des différents biomes et la découverte des temples est un plaisir constant et c’est vraiment ce qui pousse à aller de l’avant, car le gameplay en lui-même n’est pas extraordinaire. Les mutations sont rigolotes au début, et j’ai passé beaucoup de temps à former la plus grosse tribu possible pour les équiper des mutations les plus exotiques et rigolotes, et je pense que j’aurais pu y prendre plaisir jusqu’à la fin du jeu. Sauf que…
Vos Trebhums peuvent mourir, très facilement, et les faire revivre consomme des ressources en quantité finie, qui vous servent aussi à faire évoluer votre horde. Il y a aussi la lumière jaune des serviteurs du cylindre qui crame vos évolutions et vous oblige à refaire toutes vos mutations perdues.
Et c’est normal, c’est un jeu de survie. Mais après avoir vu mes protégés se faire dévorer ou perdre toutes leurs mutations à cause de leur IA approximative, j’ai rapidement perdu l’envie de personnaliser mes Trebhums ou d’assembler une large tribu et j’ai fait la seconde moitié du jeu assez rapidement, avec un petit groupe que j’avais plus ou moins renoncé à modeler. Au lieu de ça, j’ai utilisé les mutations que m’imposait l’histoire et n’ai jamais réutilisé les évolutions rigolotes comme les pattes de criquet ou la trompette, parce que c’était juste pénible de tout perdre à chaque fois et de devoir se retaper la chasse aux mutagènes.
Le rythme est assez maîtrisé, avec une alternance de poursuites, d’exploration, d’énigmes et quelques boss nécessitant des stratégies inventives. Ce n’est pas toujours très intuitif et j’ai plusieurs fois eu recours à une soluce quand les énigmes d’un temple me demandaient de faire un truc auquel je n’aurais jamais songé moi-même, ou qu’un boss requiert l’utilisation d’une capacité que je n’avais pas touché depuis plusieurs heures.
Et tant qu’on parle d’heures, c’est mon plus gros grief vis à vis de The Eternal Cylinder : passée sa fantastique première moitié qui introduit sans cesse de nouveaux ennemis, décors, mutations et épaisseurs scénaristiques, le jeu s’étire bien plus que nécessaire. Il m’a fallu 12h pour en venir à bout et c’est au moins 4 de trop pour ce que le titre avait à offrir.
Pour autant, si vous aimez ACE Team ou que la direction artistique hors norme vous a rendu curieux, le titre déborde de charme et de personnalité et ne ressemble certainement à rien que vous avez joué ces dernières années.