En 2017, tout le monde pensait que Resident Evil était à bout de souffle et ne se remettrait jamais de la débâcle du 6 qui était parti en série Z à la Asylum. Là-dessus débarque RE7, avec sa caméra première personne façon PT et une ambiance sale et étouffante. Il évoque des classiques de l’horreur et du slasher, à commencer par Massacre à la Tronçonneuse et le premier Evil Dead, et revitalise une licence qu’on croyait enterrée.
Dans RE7, On troque les sulfateuses contre une paire de mains tremblantes dont on va régulièrement perdre des morceaux, et les scènes d’action explosives pour de l’infiltration entrecoupée de fuites éperdues. Et ça fonctionne très bien. Sans inventer grand-chose, RE7 se distingue par sa réalisation soignée et son budget de superproduction, dans un genre souvent campé par des indés ou du AA.
Sauf que dans le dernier tiers de l’aventure, Ethan grimpe d’un coup dans la chaîne alimentaire et on passe deux heures à ventiler tout le bestiaire au lance-grenade dans des donjons tout pourris : une épave de cargo et une mine de sel. La montée en puissance culmine avec un boss final très impressionnant, mais mécaniquement quelconque, et un twist scénaristique tellement choquant que je n’en ai aucun souvenir.
Et si je commence ma critique de RE Village par une critique de RE7, c’est parce que Capcom n’apprend pas de ses erreurs. Une fois de plus, le jeu commence très bien, puis change radicalement de cap et se transforme en FPS passable, jusqu’à un dénouement boursoufflé où les scénaristes tentent de recoller les morceaux pour les quelques joueurs dont le cerveau fonctionne toujours.
L’introduction est excellente et pose immédiatement l’ambiance, avec son village sordide assiégé par des forces maléfiques indéterminées. C’est moins poisseux que dans le 7 et un peu plus décomplexé, pour le dire poli- OK, allons-y franchement : c’est difficile de prendre quoi que ce soit au sérieux et on se croirait dans l’Armée des Ténèbres. Mais qui joue à un Resident Evil jeu Capcom pour son écriture ?
Peu importe, le jeu vous met une énorme pression dès la première demi-heure et met en évidence la fragilité d’Ethan face à une menace aussi féroce qu’increvable. C’est tendu, stressant et un vrai coup de maître en termes d’équilibrage. Prochain arrêt : le château de l’inénarrable Lady Dimitrescu dont vous avez certainement été abreuvé d’images même si vous n’avez pas joué au jeu.
Dominant la hype du jeu, du haut de ses trois mètres et de son bonnet double G, la maîtresse des lieux a fait découvrir à un public adolescent de troublants fantasmes de MILF BDSM. Les autres apprécieront certainement son excellent chara-design, et c’est un compliment qu’on pourrait faire à presque tous les antagonistes, car les artistes de chez Capcom se sont encore surpassés.
Le château représente environ un tiers du jeu et c’est ce dont la plupart des joueurs se souviendront un an après. Ce segment a globalement le même rythme de RE7 : de la recherche d’objets et de clefs, de l’exploration et des petits puzzles. Et vous n’êtes jamais serein, car une meute de vampirettes assoiffées n’attendent que l’occasion de vous sucer.
C’est du très classique, mais suffisamment bien exécuté et mis en scène pour en faire un grand moment de chat et souris dans de somptueux décors gothiques. Ce chapitre culmine de si belle manière que je me demande si Capcom n’aurait pas dû en rester là et vendre le jeu 20 balles, plutôt que tripler la durée de vie pour en faire un AAA de dix heures.
Et pourtant, sans spoiler, le niveau suivant est de loin mon préféré, et l’un de mes rares moments de vraie trouille sur un Resident Evil. Ce moment de grâce sera de courte durée, car Village retombe vite dans les travers de son ainé. Il débloque les gros flingues, ouvre le robinet à ennemis, et se transforme en stand de tir.
Le pire niveau est certainement celui de l’usine. Malgré quelques fulgurances visuelles et de nouveaux archétypes qui renouvellent un peu les combats, on y perd toute la tension du début de l’aventure. Le jeu se contente d’aligner les séquences d’action sur fond de recherche de clef pour débloquer la prochaine porte. Franchement, je n’ai pas passé un mauvais moment, mais c’est assez oubliable.
Ce virage vers l’action ne fera que s’accélérer jusqu’à la fin, et le jeu l’assume à 100% mais je trouve toujours ça un peu étrange d’avoir une œuvre à ce point bipolaire, qui change brutalement d’identité à mi-parcourt.
Il est aussi étonnant que Capcom en fasse la promotion principalement comme un jeu d’horreur à ambiance, au risque de s’aliéner les fans de jeux d’horreur, qui vont se lancer sans savoir ce qui les attend : 50% d’Insomnia suivis de 50% de Dead Island.
Personnellement, j’arrive à apprécier les deux aspects, à accepter la transition et à suivre les développeurs dans leurs délires. C’est mi-sérieux mi-nanaresques et où on ne sait jamais où se situer entre la parodie délibérée et la bêtise involontaire. Ce n’est pas forcément pour tout le monde, mais c’est ce que fait la série depuis ses débuts, à travers toutes ses itérations, remakes et changements de caméra.
Et je parlais de durée, tout à l’heure : quel bonheur, en ces temps d’open world live-service interminables, de trouver encore des développeurs qui font du jeu linéaire, bouclé en dix heures, sans s’efforcer de délayer la sauce. Malgré ses travers, RE Village est une expérience dense, contenue, et qui respecte votre temps. Ce n’est pas le meilleur épisode de la série, mais j’attends le prochain de pied ferme.