L’introduction d’Amalur met immédiatement deux choses au point : le jeu sera moche à pleurer et son univers générique à base d’elfes et de nains, avec un méchant très méchant qui fait “mouhahaha” est une fan-fiction du Seigneur des anneaux sans imagination.
Je me suis lancé en acceptant joyeusement ces postulats. J’en attendais un Action-RPG classique mais efficace, avec un système de combat dynamique et une histoire interchangeable mais pas trop encombrante, et plein de loot pour satisfaire mon addiction à la dopamine.
Et… je n’étais pas si loin du compte, mais j’avais sous-estimé à quel point 10 ans de game design ont fait évoluer mes standards, et surtout à quel point le jeu était déjà mauvais à sa sortie, comparé à n’importe quel concurrent de cette époque. Le fait qu’il a coulé ses développeurs aurait pu me mettre la puce à l’oreille, mais je suis un peu lent.
Vous commencez dans les bottes d’un protagoniste anonyme et muet. Enfin, vous pouvez parler mais vous n’entendrez jamais votre voix, ce qui est courant dans les JRPG mais me parait toujours très cheap dans les productions occidentales. C’est d’autant plus flagrant que le jeu copie la roue de dialogues de Mass Effect où Shepard avait une voix et une personnalité.
Ceci dit, ce n’est peut-être pas plus mal car les meilleurs doubleurs sont médiocres et la plupart donnent envie de se verser de la soude dans les tympans. Les acteurs donnent souvent l’impression de lire leur texte, ou de ne pas du tout y croire et j’imagine qu’on ne leur a généralement donné aucun contexte et que chaque ligne a été enregistrée séparément, y compris les conversations de groupes. Oh, et les nains ont l’accent écossais, du jamais vu.
La bande son de Grant Kirkhope est du même acabit et évoque une ambiance de conte de fée, à la Trine. Ce n’est pas une mauvaise chose en soit, mais les pistes manquent singulièrement d’âme et viennent encore enfoncer le clou de la direction artistique fadasse.
Visuellement, ce n’est pas exactement la folie. Le jeu adopte un style graphique épuré et coloré à la World of Warcraft… Ok; je reformule : le jeu repompe ouvertement la direction artistique de Wow, mais sans le talent. On se croirait dans une version cartoon de The Elder Scroll, pour le côté générique et insipide, qu’on aurait fait tremper dans le détergeant quelques semaines pour bien s’assurer d’en retirer toute once de personnalité. Avec Todd McFarlane au générique, c’est à n’y rien comprendre.
Les personnages et les paysages semblent tout droit sortis de packs gratuits sur un asset store comme on en voit toutes les semaines sur le magasin d’Epic. Pire : les décors font tellement faux qu’on a l’impression de se balader dans des décors en carton, entourés de mauvais figurants qui lisent leur texte. L’immersion est à son sommet.
Mais la direction artistique a finalement été le cadet de mes soucis, car c’est vraiment le gameplay qui finit d’enterrer Amalur. Le jeu a trois types de quêtes que vous allez répéter jusqu’à la nausée : “Collecter X trucs”, “Tuer X ennemis” et “Courir à l’autre bout de la map pour parler à bidule”. Les quêtes secondaires étant aussi narrativement que mécaniquement ineptes, j’ai essayé de me concentrer sur la trame principale, mais je me suis alors retrouvé dans un speedrun de ‘Kingdom of Fedex’ et j’ai vite lâché l’affaire. D’autant plus que le scénario ne décolle vraiment jamais, et après 7h de jeu, aucun évènement ne m’avait arraché plus qu’un baillement.
La boucle de combat est correcte, avec des esquives et des blocages à placer au bon moment, un mix de physique et de magie et la possibilité de respé facilement pour explorer les différents styles de jeu. Hélas, tout le reste est ennuyeux au possible et les menus pour consoles ne donnent pas envie de s’investir dans le craft ou la gestion d’inventaire.
Kingdom of Amalur devait être la préquelle d’un MMO, par les mêmes développeurs, sous le nom de code “Project Copernicus”. Quand 38 Studios a fait faillite en 2012, juste après la sortie du jeu, le développement du MMO a naturellement été annulé. La licence a alors été vendue aux enchères et achetée par THQ Nordic.
Quand on sait qu’il s’agissait plus ou moins du prototype solo d’un MMO à venir, on comprend mieux certains choix de design du titre, comme son monde démesuré, les NPC dupliqués au kilomètre, les décors larges et vides et la profusion de quêtes sans âmes. Mettez moi là dedans avec un groupe de potes, des donjons un peu chiadés et une bonne boucle de loot, et il y a déjà un peu plus de potentiel. En l’état, si vous voulez jouer à un MMO en solo, vous passerez un bien meilleur moment sur Wow ou SWTOR.
Déclarer que Kingdoms of Amalur est daté serait un doux euphémisme. Il l’était déjà à sa sortie, et cette édition Re-Reckoning en est un remaster paresseux, une tentative par THQ Nordic de refourguer leur merde au tarif scandaleux de 40 balles, dix ans après le flop original. J’ai beau l’avoir gratuitement dans un bundle, j’ai quand même l’impression de m’être fait voler.