Si vous êtes déjà fan de rogue-lites, alors vous pouvez passer votre chemin et reprendre une activité normale. Sinon, accrochez-vous parce qu’on va casser du sucre sur les grands noms du milieu.
Je n’aime ni les rogue-like ni les rogue-lite. Je ne peux pas dire que la répétition m’ennuie car ce serait oublier mes années de MMO, mais je n’aime pas être enfermé dans un même décor avec pour seule option de recommencer depuis le début, encore et encore.
On pourrait penser qu’en période de pandémie mondiale et de confinement généralisé, les gens auraient envie d’évasion, et pourtant s’il y a un genre qui a continué à prospérer en 2020, c’est bien celui-ci, au point qu’il m’a souvent donné l’impression d’avoir littéralement phagocyté la scène indépendante.
Et c’est compréhensible. Les jeux “courts” ont souvent mauvaise presse et on a longtemps encensé les open-world pour leur longévité imbattable. Alors pour un petit studio aux ressources limitées et sur un marché où l’on confond facilement quantité et qualité, il est tentant de cibler un genre qui permet de produire une quantité virtuellement illimitée de contenu à moindre frais.
Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de rogue-lites de qualité, ni qu’il est facile, rapide ou peu cher de les produire. C’est un genre qui vit et meurt par la qualité de son design et il faudra un talent inversement proportionnel à la quantité de contenu pour rendre ce dernier stimulant sur la durée.
Les rogue-lite, ça Minerve
Toujours est-il que les rogue-lite m’emmerdent, qu’il en sort 18 par mois et que ça commence à me sortir par les yeux.
Peu à peu, j’ai vu mes amis s’y mettre et s’y laisser absorber, un à un, pauvres âmes perdues, bientôt avides de convertir leur entourage à leurs malsaines compulsions.
J’ai bien essayé de m’y mettre mais The Binding of Isaac me fait saigner les yeux, je ne me sentais pas assez masochiste pour persister dans Darkest Dungeon, et Dead Cells m’a tenu en haleine environ 25 minutes. C’est le temps qu’il m’a fallu pour réaliser de nouveau que oui, si je meurs, je dois bien me retaper ces mêmes niveaux que j’avais déjà terminés.
J’ai résisté plusieurs mois aux sirènes d’Hades et croyez-moi, c’était à peu près aussi difficile que de ne pas jouer à Doom Eternal en mars 2020 quand la moitié de la population mondiale n’avait que le Slayer à la bouche pendant que l’autre moitié folâtraient sur Animal Crossing.
Pourtant, au gré de soirées arrosées où un ami m’en chantait les louanges avec une poignante sincérité, j’ai finalement décidé de franchir le pas. Hades m’aura tenu en haleine un peu plus de six heures, ce qui en fait de loin le représentant du genre qui m’aura le plus longtemps intéressé. Est-ce pour autant le rogue-lite idéal si vous n’aimez pas les rogue-lites ? Possiblement.
Arès ou ma mère va tirer
Les deux choses qui m’excitent le plus dans les jeux vidéos sont la narration et l’exploration. Enchaîner 9 Yakuza qui se déroulent presque tous dans le même petit quartier de Tokyo mais ont des milliers d’histoires à raconter ? Je dis oui !
Passer des centaines d’heures à explorer de nouveaux mondes étranges dans des MMO ou à découvrir chaque recoin d’Hyrule dans Breath of the Wild dont le scénario tiendrait sur un ticket de métro ? Pas de problème !
Tourner en rond dans les mêmes décors sans histoire ? Ce sera sans moi. Pas étonnant que les rogue-lite peinent à garder mon attention, même si je n’ai aucun mal à comprendre que les joueurs gameplay-driven se les arrachent. Et là où Hades est différent, c’est qu’il s’attache à résoudre l’une de ces ‘lacunes’, et le fait même avec beaucoup de talent.
Zagreus, il a l’Atlas
Hades raconte une histoire, développe des personnages, vous immerge dans un univers touffu le temps d’une petite plongée dans l’enfer mythologique Grec, berceau du énième demi-dieu qui nous sert de héros.
Le ton est souvent léger et loin du sérieux un peu pompeux d’un God of War. Pourtant, on est pas pour autant dans le registre de la grosse parodie façon Immortal Fenyx Rising. Lorsqu’il semble irrévérencieux, Hades ne l’est que pour servir son propos.
L’histoire est toute simple et clairement déjà jouée : parvenir à quitter le royaume des morts. Je n’ai rien contre une histoire simple quand elle est bien racontée et Hades s’en sort plutôt bien, avec de nombreux dialogues finement écrits qui permettent de reconstituer peu à peu le puzzle. On a aussi quelques flashbacks interactifs et un peu de contexte quand on inspecte le décor.
J’apprécie que la mécanique du rogue-lite soit aussi bien intégrée narrativement, chaque ‘run’ étant ainsi une tentative d’évasion de notre héros qui comme nous découvre les strates successives qui le séparent de la surface, accumule les ressources, enrichit son arsenal et aiguise ses compétences de guerrier. A chaque défaite, on revient à notre point de départ mais l’histoire n’est pas remise à zéro pour autant : nos échecs en font partie intégrante.
Si vous venez principalement pour les combats mais que vous aimez quand ils sont bien enrobés, vous avez frappé à la bonne porte.
C’est Appolon mais ça vaut le coup
Le problème, qui n’en est peut-être un que pour moi, c’est que la proportion combat/histoire est de l’ordre de 15/1, pour 30 minutes de run et 2 minutes d’entre deux. Cet entre-deux, ce sont des petites conversations avec les 3-4 NPC qui ont envie de vous parler ou ceux à qui vous souhaiterez offrir des friandises.
Et un peu de maintenance, histoire de débloquer quelques bonus pour vos prochains runs. Et au rayon des upgrades, Hades a de quoi occuper les completionnists compulsifs jusqu’à ce que mort s’ensuive avec je ne sais combien de monnaies différentes : Darkness, Gemstones, Chthonic keys, armes, ambrosia, pom of power, titan blood, keepsakes, et j’en oublie sûrement. On se croirait dans un Free-to-play coréen, mais il n’y a heureusement pas d’argent réel dans l’équation.
J’ai tendance à trouver ça un peu assommant mais toutes ces monnaies sont introduites progressivement et je ne me suis jamais senti submergé d’information comme ça peut être le cas quand on prend un MMO en marche.
En revanche, ça ne m’a pas spécialement donné envie d’amasser tout ce bordel, mais je crois que je suis une cause perdue pour les mécaniques de collectionnite.
Hades m’a bien plu tant qu’il avait encore de la fraîcheur à offrir. Au bout de six heures, j’avais fait le tour des armes et chaque run a commencé à se ressembler un peu. Alors j’avais bien envie de continuer pour connaître le fin mot de l’histoire et surtout pour pécho Megaera, mais à raison de 2 minutes de dialogues toutes les demi-heures de combats, autant voir tout ça sur Youtube.
Je ne vais pas prétendre savoir ce qui fait un bon rogue-lite et surtout, la terre entière a déjà couvert Hades de louanges, en faisant le jeu de l’année pour bon nombre de classements, donc quitte à enfoncer des portes ouvertes, je serai bref.
C’est beau, ça bouge bien, la direction artistique a beaucoup de charme et les doublages sont excellents. Comme d’habitude chez Super Giant Games, la musique déboite, avec un mélange singulier de guitares folk et de gros métal qui tâche.
Et bien sûr, si j’ai eu envie de tourner en rond dans les trois mêmes décors pendant six heures, c’est parce que les combats sont réjouissants. Les contrôles sont précis, il y a suffisamment de profondeur pour toujours avoir l’impression d’avoir des choses à apprendre et Zagreus assure le spectacle avec une belle panoplie de mouvements et de techniques qui s’étoffent au fil de la progression et des récompenses semi-aléatoires.
Malgré leurs musiques et visuels incroyables, je m’étais vite ennuyé sur les précédents jeux du studio, Bastion et Transistor. Hades, en revanche, est solide à tous les niveaux et pourrait bien vous réconcilier avec les Rogues Lites. En ce qui me concerne, ce n’est pas passé loin.