You are currently viewing A Plague Tale: Requiem │ ★ 8

A Plague Tale: Requiem │ ★ 8

En 2019, les auteurs de “Monopoly: Family Fun Pack” avaient choqué tout le monde avec “A Plague Tale: Innocence”, un jeu d’aventure narratif aux allures de AAA malgré son petit budget. Grâce à d’intelligents choix de production, une direction artistique à tomber et une écriture solide, il s’est immédiatement fait une place dans une année pourtant très dense en sorties retentissantes.

Trois ans plus tard, Amicia et Hugo reviennent nager dans des torrents de rats. Entre temps, Microsoft est entré dans le capital d’Asobo, le budget passe de 10 à 25 millions, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça se voit à l’écran, car Requiem est l’un des premiers jeux exclusifs à la nouvelle génération de consoles et il en a sous le capot. Est-ce que cela en fait pour autant un meilleur jeu ? C’est discutable.

Requiem est plus gros et plus long qu’Innocence. Comptez 17h pour en venir à bout, contre une dizaine pour le premier, ce qui est une bonne ou une mauvaise nouvelle selon votre opinion sur la propension des jeux à s’étirer au fil des années.
Il offre des zones plus larges et ouvertes que le premier opus qu’on pouvait facilement qualifier de long couloir. L’un des chapitres vous permet d’explorer la campagne plus ou moins librement, et certaines phases d’exploration prennent place dans de larges espace permettant une relative liberté d’approche.

Et si je mets beaucoup de “plus ou moins” et de “relatif” dans ces phrases, c’est parce que tout comme le premier jeu s’efforçait de cacher ses murs invisibles et de fausser l’échelle en vous suggérant un monde plus large, la suite triche encore un peu et reste un jeu linéaire découpé en niveaux, qui se donne parfois des allures d’open world. Et c’est très bien comme ça, car ma plus grande crainte était de voir Asobo céder à la mode du bac à sable sans âme où on vous aurait demandé de nettoyer des camps de rats et d’escalader des tours.

Heureusement, si Requiem est aussi long, ce n’est pas parce qu’ils ont tartiné la même confiture de rats sur une surface plus large. Le jeu est toujours aussi dense, intense, et il s’y passe énormément de choses. Les rebondissements s’enchaînent sans temps mort, une révélation après l’autre, on rencontre souvent de nouveaux personnages, dans de nouveaux endroits, avec moult cutscenes. Les ruptures de rythme et de gameplay assurent qu’on ne s’y ennuie jamais. C’est un jeu généreux et bien rythmé qui ne cesse de donner sans essayer d’en faire trop.

Forcément, pour un jeu de ce calibre, il fallait rafraichir la formule avec de nouveaux éléments de gameplay. Et là, ça passe ou ça casse. Les phases d’infiltration sont toujours aussi basiques et permissives, avec la possibilité de ‘perdre’ un poursuivant assez facilement et de cacher de nouveau. En revanche, elles sont désormais entrecoupées de séquences de combats :

  • Séquences rail-shooter à la fronde, arbalète ou baliste, où Amicia peut enfin se lâcher et assumer ses pulsions homicides. Ce sont de loin les phases les plus ratées, mais assez rares pour ne pas me déranger.
  • Combats en arènes contre des soldats qui arrivent en file indienne, où on mettra à l’épreuve votre gestion de ressource et les nouvelles subtilités du combat qui ajoute des armes et des synergies élémentaires. Ce n’est pas toujours évident à gérer dans le feu de l’action, mais le système est correct, sans être follement original.
  • Combats de boss assez similaires aux arènes, contre un sac à PV qui vous obligera souvent à trouver LA bonne stratégie en courant sans arrêt pour ne pas vous faire écharper. Je ne suis pas convaincu que le jeu avait besoin de boss, et ces phases sont assez médiocres, mais jamais très compliquées.
  • Plus de contrôle sur les rats, et je n’en dirai pas plus.

Notez que la difficulté des combats peut être ajustée à tout moment, donc si l’inclusion des scènes d’action n’est pas de votre goût, vous pouvez au moins en diminuer grandement la friction avec le mode “Narratif”.

Requiem étoffe aussi largement les interactions avec les personnages que l’on rencontre au fil de l’aventure, et certains niveaux tournent entièrement autour d’un nouveau gimmick de gameplay, ou l’introduction de nouvelles capacités. Dans l’ensemble, j’ai trouvé ça rondement mené et je n’ai jamais eu l’impression de faire trop longtemps la même chose. Les nouveaux gameplay sont introduits avec naturel et ces séquences spéciales ne s’éternisent jamais.

Une fois de plus, c’est surtout pour son histoire et sa mise en scène qu’on joue à Plague Tale. Et là aussi, il y a du bon et du mauvais. Les nouveaux personnages, Arnaud et Sofia, sont excellents, mais le cast d’origine, c’est une autre histoire.

  • Amicia en a marre d’être une victime et se radicalise peu à peu, jusqu’à passer en mode berzerk pour de grandes séances de massacre à la fronde. C’est une bonne excuse pour introduire les combats, certes, mais c’est amené avec la même subtilité que le délire génocide de Daenerys. Cette spirale de violence fait directement écho à The Last of Us 2 et la comparaison n’est pas flatteuse, car la vendetta d’Ellie me semblait toujours bien plus progressive et justifiée que les moments d’égarement très binaires d’Amicia.
  • Hugo, sans trop spoiler, participe lui aussi à cette thématique de l’escalade de la violence, mais l’évolution de son personnage est mieux gérée dans le temps. En revanche, il est toujours aussi casse-couilles et chouineur, et ça n’ira pas en s’arrangeant.

Et c’est vraiment là que le bât blesse, car si la dynamique de la relation entre Amicia est Hugo est claire et porte l’intrigue, j’ai le plus grand mal à m’immerger dans le personnage d’Amicia qui ne se définie plus que par son obsession pour son rôle de protecteur. Elle ferait n’importe quoi pour Hugo, serait prête à tout sacrifier et à prendre les décisions les plus extrêmes pour s’assurer de sa sécurité et son bien-être.

C’est une belle histoire pour un film ou un roman, mais quand je dois m’identifier au personnage, ça devient beaucoup plus compliqué. Je me demande d’ailleurs si les auteurs s’en sont rendus compte, car un bon tiers du jeu vous met en binôme avec Lucas, un partenaire bien plus autonome et supportable.

J’avais commencé le jeu en version française, ce qui me semblait très logique vu que l’action se déroule en France. L’actrice d’Amicia (Léopoldine Serre) fait le taf, mais j’avais envie de coller de grandes torgnoles à Hugo chaque fois qu’il ouvrait la bouche. C’est probablement parce qu’il est doublé par une femme (Cécile Gatto), contrairement à sa voix anglaise (Logan Hannan). S’il est courant en France de faire doubler les petits garçons par des femmes (Sangohan dans DBZ, au secours), je trouve le résultat souvent geignard et caricatural.

Toujours est-il que je n’ai jamais regretté de passer à la version anglaise, particulièrement pour la doubleuse d’Amicia que vous allez entendre presque sans interruption pendant les 17h de jeu. Charlotte McBurney est formidable et donne tout ce qu’elle a dans les scènes les plus émouvantes. Elle compense les faiblesses de l’écriture par l’intensité de sa performance et élève réellement le personnage.

Un mot sur l’excellente bande son d’Olivier Deriviere qui remet le couvert pour ce second opus et livre des thèmes tantôt effrayants ou mélancoliques, peuplés de cordes frottées aux accents distordus.

Avec Requiem, Asobo studio transforme l’essai et livre une suite directe du premier jeu, avec juste assez d’innovation et de nouveautés pour créer une nouvelle fois la surprise. On pourra lui reprocher l’habituelle folie des grandeurs des suites qui multiplient tout par deux, avec deux fois plus d’heures, d’ennemis, de rats et d’explosions

On perd le côté intimiste, glauque et désespéré du premier épisode au profit d’une aventure plus romanesque et ouvertement fantastique, mais quand cela donne lieu à des scènes aussi épiques que la destruction de villes entières par des tsunamis de rats, je peux tout leur pardonner.

Il est tentant de le comparer à The Last Us 2, un autre jeu étonnamment long et dense, qui mêle action, infiltration et exploration en se concentrant avant tout sur son histoire. Ceci dit, autant techniquement qu’en termes d’écriture et de narration, Plague Tale est encore loin derrière, mais on ne leur en demandait pas tant. Asobo n’en reste pas moins le nouveau fer de lance du gros AAA français qui en met plein les yeux.

8

8/10

Ecrire un commentaire