A New Frontier est-il l’épisode de trop ? Souvent décrié par les fans de la première heure et affublé d’un metascore de 73% qui en fait de loin l’épisode le plus mal aimé de la franchise, on l’a accusé de manquer de fraîcheur, de souffle, de louper son final, d’accumuler les personnages irritants et que sais-je encore.
Rien de tout ça n’est complètement faux, mais il reste à mes yeux un très bon opus, qui continue sur la lancée de la saison précédente en se concentrant avant tout sur son histoire et les relations entre les personnages, et en achevant de larguer par dessus bord les dernières racines de point & click qui venaient encore alourdir les saisons 1 et 2.
Un peu d’histoire
En 2012, Telltale a réinventé le point & click en retirant les énigmes et la recherche inlassable d’objets au profit d’une approche plus narrative et cinématographique. C’est à mes yeux ce qui pouvait arriver de mieux au genre, et je n’ai jamais regardé en arrière après ça.
Le principe de mettre des énigmes dans un jeu d’aventure narratif m’avait toujours semblé aussi hors sujet que résoudre des casse tête dans les survival horror, une activité qui n’a lieu d’être que pour ralentir le rythme et faire retomber la tension.
La première saison est de loin la plus adulée, mais je l’ai pourtant aimée avec quelques réserves. Il lui restait encore cet encombrant héritage du point & click et Lee passait beaucoup trop de temps à fouiller les environnements pour dénicher des objets et actionner des mécanismes, ce qui avait avait tendance à casser le rythme et faire tomber la tension dramatique par ailleurs remarquable.
La saison 2 constitue à mes yeux la consécration de la série. Elle continue la mutation vers le tout narratif, où l’essentiel du gameplay se concentre désormais sur les décisions du joueur et les choix de dialogues. Le rythme parfaitement maîtrisé et les choix toujours déchirants, grâce à la finesse de l’écriture des personnages et aux ramifications émotionnelles de vos décisions les plus triviales.
Toujours plus narratif
A New Frontier continue droit sur cette lancée, et rien n’aurait su me faire plus plaisir. Les phases d’explorations un peu pataudes où vous contrôlez le personnage à la troisième personne se font encore plus rares, et on se concentre principalement sur les interactions sociales, avec une histoire bien ciselée et tous les rebondissements tragiques qu’on est en droit d’attendre.
Cette saison 3 n’en a pas le nom mais prend place quelque temps après les événements de la seconde. Vous n’y jouerez plus Clementine, mais Javier, un nouveau personnage, et son entourage familial, avec toutes les complications que cela implique : des tensions, des engueulades, des jalousies et des gens qui s’aiment et se détestent à la fois.
Clémentine reste cependant un personnage récurrent et certaines séquences vous permettent même de l’interpréter fugacement et d’influer sur le genre de survivante qu’elle est devenue. Javier est loin d’être aussi intéressant mais reste un personnage assez malléable pour se plier à vos choix et devenir un papa attentionné ou un connard toxique.
“Je mets les pieds où je veux…”
Incarner un personnage adulte, sportif et en pleine possession de ses moyens est un changement drastique qui contraste avec la fragilité de Clémentine dans la saison 2. Une grande partie de la tension reposait sur son incapacité à se défendre et à survivre seule, qui l’obligeait à naviguer dans ses relations en ne pouvant se reposer sa sensibilité et l’empathie qu’elle suscitait auprès de son entourage.
Javier, à l’inverse, peut s’envoyer une horde de zombies à grand coups de batte de baseball, et on se sent rarement en danger durant les étonnamment nombreuses scènes d’action. Même chose durant les altercations violentes, les prouesses physiques du personnage lui permettent de s’en tirer souvent par la force.
Ce changement de ton est une bonne surprise durant les premières épisodes, mais on se rend vite compte que cette saison n’attendra jamais les sommets de suspense et de désespoir de la seconde, où Clémentine était sans cesse à la merci de son groupe et souvent la seule étincelle d’humanité et de bon sens dans un bourbier de paranoïa, de brutalité et d’égoïsme.
Des questions de vie ou de morts-vivants
Les décisions prises durant la saison 2 n’auront qu’un impact très limité sur cette nouvelle histoire qui se concentre principalement sur de nouveaux personnages, et je ne m’en plains pas, car on a droit à une belle brochette de gueules, avec Tripp et ses sautes d’humeur, Kate qui a vraiment très envie, Jésus qui fait du wallrun et des dropkicks, Ava et ses cicatrices, mais aussi toutes sortes de seconds rôles plus ou moins anecdotiques dont on découvre parfois des nuances inattendues.
Sans trop en révéler, l’un des personnages principaux n’en finit plus de se dévoiler au fil de l’aventure et mon opinion à son sujet n’a cessé d’osciller à mesure que j’essayais de lire au-delà de son rugueux extérieur. Son arc de développement donne lieu à certains de ces moments poignants qui ont fait le succès de la série.
Les décisions prises au cours de l’aventure, en revanche, ont eu plus d’impact que je l’aurais cru à la lecture des critiques, car la plupart de mes mauvais choix sont revenus me mordre le cul dans les dernières épisodes et certains mauvais coups que je pensais oubliés et enterrés se sont révélées lourdes de conséquences.
Alors bien sûr, ça reste globalement linéaire mais la fin a beaucoup de variations possibles selon vos affinités, loyautés et allégeances, et selon la manière dont vous aurez traité votre entourage.
A New Frontier offre une belle saison 3 à la série de Telltale et relègue provisoirement Clémentine au second plan pour se concentrer sur une nouvelle galerie de personnages toujours aussi intéressants.
Avec de nombreuses décisions aux ramifications imprévisibles, des rebondissements inattendus et un rythme soutenu, c’est un épisode solide et plein de surprises. On reste loin de la noirceur suffocante de la saison 2, mais cela reste hautement recommandable.