“Did I ever tell you what the definition of insanity is? Insanity is doing the exact same fucking thing over and over again, expecting shit to change.”
Je connaissais cette tirade avant même de lancer le jeu, mais je ne soupçonnais pas à quel point elle s’appliquait au titre. Il y du bon, du mauvais, et du très mauvais dans ce Far Cry 3, et au fil de la 15aine d’heure qu’il m’aura fallu pour le terminer au pas de course, je suis passé par toutes sortes de sentiments contradictoires allant de la satisfaction à l’agacement (parfois) et l’exaspération (souvent).
Et durant tout ce temps, j’ai ressenti une étrange sensation de flottement et de détachement où ma curiosité d’en voir plus était intimement mélée à l’envie d’en finir et d’en être débarassé. En un mot, je suis perturbé.
“Did I ever tell you what the definition of insanity is?”
En tant que simulateur de meurtres, Far Cry remplit bien son contrat. Le personnage répond correctement, les sensations de tir sont bonnes, les stealth kill sont sanglants et on prend plaisir à mettre des balles dans les corps et des objets tranchants sous les peaux.
En tant que sandbox, je préfère ne pas commenter car c’est un aspect du titre que j’ai très peu exploré et je me suis contenté de me téléporter d’une quête principale à la suivante en craftant le strict minimum et en capturant une tour par ci par là pour avoir un point de respawn plus proche. Je ne suis pas très friand d’open worlds dans les jeux solo et pour que je m’y intéresse, il faut vraiment que je m’intéresse à l’univers et aux personnages, ce qui n’a encore jamais été le cas dans les mondes ouverts d’Ubisoft. J’avais fait un effort pour AC2 et face à l’interminabilité de la quête principale, j’avais vite regretté de m’être dispersé. Pour Watch Dog, je me suis contenté de suivre l’histoire en évitant soigneusement toutes les missions annexes pour ne pas risquer de me lasser du gameplay avant la fin. J’ai bien fait de suivre cette tactique pour Far Cry 3 parce qu’après 15h, j’en avais amplement ma dose.
15h, ça parait long pour un FPS, mais c’est un FPS en monde ouvert, alors même avec les voyages rapides pour se téléporter d’un endroit à l’autre, un perd énormément de temps à courir, rouler ou voler d’une mission à l’autre, d’autant que les concepteurs se sont arrangés pour éclater tout ça aux quatre coins de la map et forcer un maximum de détours et de voyages.
Si vous espérez une expérience intense et rythmée comme dans un Crysis, CoD ou Bioshock, passez votre chemin. Ici, ce sont les aller retours incessants qui gonflent artificiellement la durée de vie.
“Insanity is doing the exact same fucking thing…”
Si Far Cry 3 fait le boulot quand il s’agit de vous faire tuer des gens, je regrette qu’il le fasse avec si peu d’imagination et de génie. L’arsenal est très classique, les capacités du personnage aussi (à part la wing suit qu’on chope malheureusement deux heures avant la fin, pour des missions sans verticalité où vous n’aurez quasiment jamais l’occasion de l’utiliser) et on alterne entre missions d’infiltration, de massacre ou séquences de rail-shooting d’un autre âge.
Et comme il y en a 35, des missions dans la quête principale, vous allez en bouffer, de l’élimination de pirates, de l’infiltration de camps qui se ressemblent tous et des séquences du rail shooting. Et oui, ça devient pénible assez rapidement.
Alors il y a bien quelques fulgurances, ça et là (les séquences oniriques, les temples engloutis, les trips shamaniques ou la première apparition du lance-flammes) mais diviser tout ça par deux et mettre le reste en missions annexes de l’open world aurait permis plus de rythme, une narration plus dynamique et moins de lassitude.
Ceci dit, le jeu laisse souvent le choix entre l’assaut frontal et la furtivité (ou un savant mélange des deux), ce qui permet de varier les plaisirs. Les arbres de compétences permettent aussi d’enrichir le gameplay à mesure de la progression dans le jeu.
Il y a beaucoup de passages très frustrants : des NPC à protéger qui ne sont pas foutus de se mettre à couvert, des pics de difficultés inoppinés, des ennemis humains à qui il faut vider 18 chargeurs dans la tête pour les tuer, et autres joyeusetés du genre.
La quantité de munitions transportables est très limitée et notre personnage meurt vite. Couplé à la connerie des NPC, le jeu encourage souvent à rester à couvert pour spammer A et se soigner avant de retourner au charbon. C’est rigolo les premières fois, de voir Jason s’extraire des balles ou se remettre les os en place, mais on finit par voir 2000 fois les mêmes 5 animations.
Par défaut, on ne peut transporter d’une arme à la fois, ce qui rend certaines missions quasi impossibles (brûler les plantations) tant que vous n’aurez pas tué des chêvres pour vous crafter un second slot d’équipement. Etant maladivement réfractaire aux systèmes de crafts dans les jeux, le fait de ne pas avoir le choix m’a un peu gonflé.
Principe des Vaas communiquants
On me l’avait un peu survendu à ce niveau. Je sais bien qu’il ne faut pas se fier à la hype mais j’étais quand même très curieux de découvrir le “meilleur méchant de la décénnie” ou encore le “choix le plus horrible qu’on m’a demandé de faire dans un jeu vidéo”.
Alors, oui, Vaas est un méchant plutôt cool, ses dialogues sont bien écrits et certaines de ses interventions font leur petit effet. J’aimerais pouvoir en dire autant de Hoyt, son patron et boss final, que j’ai trouvé assez anecdotique en comparaison.
Le choix horrible… vui, pourquoi pas, pour peu qu’on ressente assez d’empathie pour le personnage principal et le dilemme auquel il est confronté. Personnellement, ça m’a laissé plutôt froid, mais c’est survenu à un moment où le jeu avait déjà trop abusé de ma bienveillance.
Le problème, c’est que tout le reste est très mauvais, et je pèse mes mots. Jason est un peu moins désincarné que le héros moyen de FPS mais les seconds rôles, putain, les seconds rôles… Willis est catastrophique, en parodie de ricain patriote Fuck Yeah! Et Buck… je ne sais même pas par quoi commencer. Et quand je pensais avoir touché le fond, Sam Becker, son accent Allemand et ses “JA” à chaque fin de phrase, est entré en scène.
L’histoire est une classique quête de vengeance où toutes les factions en présence vont successivement se servir de vous pour faire le sale boulot. Et là dessus, les scénaristes ont tenté une réflexion sur la folie, avec un personnage qui se laisse peu à peu emporter par la démence à mesure qu’il se perd dans une spirale de violence, jusqu’à devenir pire que ses ennemis. Si vous voulez la même chose, en dix fois mieux écrit, jouez plutôt à The Last of Us 2.
“… over and over again”
J’ai tellement essayé d’y croire qu’à force d’en attendre quelque chose, mon cerveau a fini par beaucoup trop extrapoler et à remettre en question la réalité de ce que vivait Jason.
Le scenario et les dialogues étaient tellement mauvais que j’avais l’impression qu’il devait y avoir une seconde couche. Le vernis allait s’écailler et je découvrirais que depuis le début, les choses n’étaient pas du tout ce qu’elles avaient l’air d’être, que j’étais en plein délire, en plein trip chamanique chelou, quelque chose de ce genre. Les confrontations en QTE m’ont conforté dans cette idée, d’ailleurs, avec leur esthétique surréaliste qui laisse penser que Jason est dans un état second et nage en plein délire psychédélique.
Mais finalement, rien de tout ça. Les personnages étaient juste mauvais, le scénario navrant était exactement ce qu’il avait l’air d’être et la philo de comptoir de Vaas ne révèle rien sur un obscur second niveau de lecture.
Autre aspect frustrant : cette histoire, vous la subissez du début à la fin. Jason n’est qu’un pion pendant tout le jeu et à aucun moment il ne prend son destin en main. Je n’avais pas ressenti une telle impuissance depuis GTA IV et son personnage corvéable à merci à qui tous les truands de la ville chient dans la bouche du début à la fin.
Dès le premier chapitre, les indigènes se servent de vous, puis c’est le tour de Willis qui fait de vous son petit chien. Après, vous allez obéir à Buck et faire ses quatre volontés, puis à Citra, et à Sam. Jason passe son temps à obéir à des ordres débiles et à offrir son cul aux donneurs de quêtes les plus exaspérants qui soient alors qu’il pourrait très bien leur coller une balle et aller assouvir ses envies de vengeance comme un grand. Là, si je comprenais bien ses motivations, j’avais beaucoup de mal à adhérer à sa servilité.
“… expecting shit to change.”
J’aurais pu laisser tomber avant la fin mais même si j’ai lâché beaucoup de jurons chaque fois que je mourrais ou que je me suis désolé de la médiocrité des personnages et de la narration, mais je me suis quand même amusé quand je tuais des gens et j’avais envie de connaître le fin mot de l’histoire et de voir si quelque chose allait changer… alors j’ai continué encore et encore… et encore.
Je ne suis pas la cible de ce Far Cry 3. J’ai bien conscience que le fait de ne pas m’être intéressé au monde ouvert m’a fait passer à côté d’un énorme morceau du jeu. Si j’avais eu envie d’escalader des tours, de libérer des camps et de chasser le tigre, j’aurais sûrement apprécié davantage mon immersion dans cette Thaïlande fantasmée.
Au lieu de ça, j’avais sans cesse l’impression que l’open world était une nuisance en travers de mon chemin, quand je voulais juste avancer dans l’histoire. A ce titre, les missions semi-ouvertes et plus contenues d’un Crysis me conviennent beaucoup mieux, et Far Cry est une licence que j’éviterai à l’avenir.