J’ai beau avoir adoré les deux Judgment, je n’ai jamais vraiment aimé Yagami. C’est un personnage très droit, très vertueux, très doué dans tout ce qu’il entreprend (avocat brillant, détective privé brillant, beau gosse, génie autodidacte des arts martiaux, Yamazaki, j’en passe et des meilleures), mais surtout passablement unidimensionnel.
C’est un personnage qui manque de défauts, de fêlure, de profondeur, de questionnements ou de dilemmes moraux, et que j’ai toujours au du mal à trouver crédible. Et la série des Yakuza nous a habitué à de bien meilleurs protagonistes. Même des personnages jouables aussi ‘mineurs’ que Shinada ou Akiyama me semblent bien plus intéressants que Yagami.
Depuis le premier Judgment, je plaisantais sur le fait que Kaito était le véritable héros de cette série spin-off. C’est désormais confirmé avec la sortie de The Kaito Files, un contenu narratif additionnel pour Lost Judgment qui nous permet enfin d’incarner l’ex-Yakuza à la chemise la plus flamboyante de toute la série. Et sans casser le moule ou essayer de réinventer la formule, The Kaito Files est une belle réussite et nous livre l’expérience la plus dense et condensée à ce jour, pour un jeu de Ryu Ga Gotoku.
Si Kaito a largement les épaules pour endosser le rôle de personnage principal, il n’a aucun des défauts d’écriture de Yagami et une personnalité bien plus nuancée. Impulsif, sanguin et pas toujours très fin, ses défauts le rendent immédiatement sympathique, et il est toujours plus facile de se projeter dans un personnage imparfait que dans un parangon de vertus.
Son charisme naturel, qu’il illustrait à chaque apparition dans les deux Judgment, carbure ici à plein régime et le studio lui fait le cadeau d’une intrigue très personnelle, qui exploite son passé, sa vie sentimentale et l’histoire de ses relations avec son ancien clan mafieux. Il est épaulé par une galerie de seconds rôles très réussis, dont les interactions donnent lieu à des dialogues tantôt drôles ou émouvants, avec ce mélange de sérieux absolu et d’absurdité totale auquel nous a habitué le studio.
Kaito a ses propres styles de combats, dont l’un n’est pas sans rappeler le “Beast style” de Kiryu dans Yakuza 0, et une collection de finishers brutaux et stylés. On en attendait pas moins du dragon de Matsugane.
L’histoire se termine en 8h environ, qui passent à une allure folle, car cette petite extension n’a aucune mission secondaire ou activité annexe pour meubler, et se concentre donc uniquement sur sa trame, qui en parait d’autant plus intense et ciselée. C’est la première fois que j’impliquais pleinement dans l’histoire d’un Yakuza sans pouvoir me laisser distraire tous les 10 mètres par une side-quest perchée, un combat de rue ou une partie de Mah-jong.
Et c’est là qu’on aborde le sujet qui fâche, puisque le DLC est vendu 30€, soit la moitié du prix de Lost Judgment, pour seulement une fraction de son contenu. Il serait toutefois assez difficile de ne les comparer qu’à l’aune de leurs durées respectives : Lost Judgment est bourré jusqu’à la gueule de remplissage, de mini jeux dispensables, de contenu secondaire sans doublage par souci d’économie, et la trame principale ne représente qu’une portion négligeable de sa durée totale (15h environ, sur les 80h que j’y ai englouti).
The Kaito Files, en revanche, est intégralement doublé et ne joue jamais la carte de l’économie, avec de nouveaux personnages et lieux à visiter, sa propre bande son et des cutscenes à tout va. C’est aussi un peu injuste de le comparer à Lost Judgment, un jeu d’une générosité sans précédent, même selon les standards de Ryu Ga Gotoku.
Au final, vous seul pouvez décider si The Kaito Files mérite ce que Sega en demande. Personnellement, j’en ai largement eu pour mon argent, et je le recommande chaudement à tout fan de la série. C’est un format très différent des épisodes traditionnels, qui m’a totalement convaincu, et confirme tout le potentiel de Kaito comme héritier de la série, si jamais les aventures légales de l’acteur de Yagami le forçaient à une retraite anticipée.